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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/46

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554 c
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LA RÉPUBLIQUE VIII

Tu as raison.

Ceci fait bien voir, n’est-ce pas ? que dans les autres engagements où il s’acquiert un bon renom par une apparence de justice et comprime ses mauvais désirs dpar une sorte de louable violence qu’il se fait à lui-même, ce n’est pas qu’il les persuade qu’il est mieux de ne pas les suivre ou qu’il les adoucisse en les raisonnant ; c’est qu’il obéit à la contrainte et à la peur, parce qu’il tremble pour le reste de sa fortune.

Cela est certain, dit-il.

Mais, mon ami, repris-je, j’en atteste Zeus, quand il s’agira de dépenser le bien d’autrui, tu trouveras chez la plupart de ces gens-là ces désirs qui tiennent du naturel des frelons.

Oui, dit-il, assurément.

Naturellement un tel homme n’échappera pas aux dissensions au-dedans de lui-même ; car il n’est pas un, mais deux ; cependant désirs contre désirs, ece sont le plus souvent les bons qui l’emporteront sur les mauvais.

C’est vrai.

Aussi aura-t-il, je pense, des apparences plus décentes que beaucoup d’autres ; mais la véritable vertu qui consiste dans l’accord et l’harmonie de l’âme fuira loin de lui.

Je le crois.

En outre cet être parcimonieux ne montrera qu’une faible émulation pour disputer dans la cité 555à des particuliers la palme d’une victoire ou de quelque glorieux concours ; il ne veut pas dépenser d’argent pour l’honneur ni pour ces sortes de combats ; il a peur de réveiller les désirs prodigues et de les appeler à son secours pour l’aider à triompher de ses rivaux ; il ne combat, en oligarque qu’il est, qu’avec une petite partie de ses forces ; aussi a-t-il presque toujours le dessous, mais il garde sa richesse.

C’est vrai, dit-il.

Pouvons-nous encore douter, demandai-je, que ce ménager, cet homme d’argent ne soit, pour la ressemblance, apparié à l’État oligarchique[1] ?

bAucunement, dit-il.

  1. La ressemblance est en effet complète. Comme l’État oligarchique a des frelons (552 c), l’homme oligarchique a des désirs frelons (554 b) ; il est, comme l’État (551 d), double et en discorde avec lui-même (554 d) ; comme l’État encore (551 c), il combat en oligarque, avec une faible partie de ses forces.