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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/48

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LA RÉPUBLIQUE VIII


La démocratie.

X  C’est la démocratie, ce semble, qu’il faut examiner maintenant. Voyons-en l’origine et le caractère ; puis étudions le caractère de l’homme démocratique, afin de le faire comparaître en jugement.

Nous suivrons du moins ainsi, fit-il, notre marche ordinaire.

Eh bien, repris-je, le passage de l’oligarchie à la démocratie ne se fait-il pas de la manière suivante ? N’est-il pas l’effet de l’insatiable convoitise du bien auquel on aspire, qui est d’être aussi riche que possible ?

Comment cela ?

cCeux qui commandent dans ce régime, ne devant, je pense, leur autorité qu’aux grands biens qu’ils possèdent, se refusent à réprimer par une loi le libertinage des jeunes gens et à les empêcher de gaspiller et de perdre leur patrimoine ; car ils veulent acheter les biens de ces dissipateurs et leur prêter sur hypothèque pour devenir encore plus riches et plus considérés.

C’est ce qu’ils ont le plus à cœur.

Or n’est-il pas clair à première vue que dans un État les citoyens ne peuvent estimer la richesse et acquérir en même temps la tempérance nécessaire, det qu’il faut au contraire sacrifier l’une ou l’autre ?

C’est assez évident, dit-il.

C’est ainsi que dans les oligarchies, par leur négligence et par la licence qu’ils accordent au libertinage, les magistrats ont parfois réduit à l’indigence des hommes d’un généreux naturel.

Cela est certain.

C’est, ce me semble, autant d’oisifs qui demeurent dans la cité, munis d’aiguillons et bien armés, les uns chargés de dettes, les autres d’infamie, les autres des deux à la fois, remplis de haine et complotant contre ceux qui ont acquis leurs biens et contre le reste des citoyens, et ne respirant que révolution[1].

eC’est bien cela.

  1. Platon a peut-être songé ici à la conspiration de Cinadon à Sparte. Cf. Xénophon, Hellén. III, 3, 5-11 et Introd. p. xciv. Mais la conspiration de Catilina illustre mieux encore ce passage.