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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/52

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LA RÉPUBLIQUE VIII

que autre rencontre, dans une théorie, dans une expédition où ils naviguent ou font la guerre de compagnie, ou qu’ils s’observent au sein même du danger, dce ne sont pas les pauvres qui sont alors méprisés des riches. Souvent au contraire quand un pauvre, maigre, brûlé du soleil, posté dans la mêlée à côté d’un riche nourri à l’ombre et chargé d’une graisse surabondante[1], le voit à bout de souffle et de moyens, ne crois-tu pas qu’il se dit à lui-même que ces gens-là ne doivent leur richesse qu’à la lâcheté des pauvres ; et quand ceux-ci se trouvent entre eux, ne se disent-ils pas les uns aux autres : Ces gens-là sont à nous : eils n’existent pas ?

Je ne doute pas pour ma part, dit-il, que ce ne soit là leur pensée.

Et comme il suffit à un corps débile d’un petit ébranlement du dehors pour tomber malade, que parfois même des troubles y éclatent sans cause extérieure, ainsi un État, dans une situation analogue, devient à la moindre occasion la proie de la maladie et de la guerre intestine, tandis que chaque parti appelle des secours du dehors[2], les uns d’un État oligarchique, les autres d’un État démocratique ; parfois même la discorde s’y déchaîne en dehors de toute ingérence étrangère.

557Oui, et violemment.

Eh bien, à mon avis, la démocratie s’établit quand les pauvres victorieux de leurs ennemis, massacrent les uns, bannissent les autres et partagent également avec ceux qui restent le gouvernement et les magistratures ; le plus souvent même les magistratures y sont tirées au sort[3].

C’est bien ainsi, fit-il, que la démocratie s’établit soit par la voie des armes, soit par la peur qui oblige les riches à se dérober.

  1. Plutarque Apoph. Reg. et Imp. 192 D rapporte qu’Épaminondas faisait la guerre aux hommes chargés de graisse et qu’il en chassa un de l’armée en disant que trois ou quatre boucliers suffiraient à peine à lui protéger le ventre.
  2. C’est une pratique constante dans l’histoire des révolutions grecques.
  3. C’est ainsi qu’Otanès (Hérodote III, 80) définit la démocratie : « Elle donne par la voie du sort les offices publics à des magistrats responsables. » Cf. Aristote, Rhétorique I 8 1365b 32 δημοκρατία μὲν πολιτεία ἐν ᾗ κλήρῳ διανέμονται τὰς ἀρχάς.