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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/62

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LA RÉPUBLIQUE VIII

me semble que c’est généralement de la manière suivante.

Comment ?

Quand un jeune homme élevé, comme nous l’avons dit tout à l’heure, dans l’ignorance et l’amour du gain, a goûté du miel des frelons et qu’il a fréquenté ces insectes ardents et funestes, aptes à procurer des plaisirs variés, de toute espèce et de toute qualité, c’est alors, tu peux le croire, que son gouvernement intérieur commence à passer de l’oligarchie à ela démocratie[1].

C’est une nécessité absolue.

Et de même que l’État a changé, quand un des deux adversaires a reçu du dehors le secours d’alliés qui sont du même parti que lui, ainsi le jeune homme change quand l’une des deux espèces de passions qui sont en lui reçoit du dehors, elle aussi, l’assistance d’un groupe de passions de même famille et de même nature.

C’est très exact.

Et si, je suppose, quelque allié vient à la rescousse pour sauver le parti oligarchique qui est en lui, soit son père, soit quelque autre de ses parents, 560qui lui font des remontrances et des reproches, il se forme en lui deux partis opposés et il se voit alors en lutte avec lui-même.

Comment en pourrait-il être autrement ?

Et l’on a vu des cas, je pense, où la faction démocratique a cédé à l’oligarchique et où certains désirs ont été ou détruits ou chassés par un reste de pudeur qui subsistait dans l’âme du jeune homme, et où celui-ci est rentré dans le devoir.

Cela arrive en effet quelquefois, dit-il.

Mais il est arrivé aussi, je pense, qu’après l’expulsion de ces désirs, d’autres désirs de la même famille ont grandi secrètement et, parce que le père bn’a pas su élever son fils, sont devenus nombreux et forts.

  1. La description de la formation de l’homme démocratique est un des plus beaux morceaux de la République. On ne sait ce qu’il faut le plus y admirer, de la pénétration psychologique, de la hardiesse des images, de la vivacité de la peinture. Nous suivons les vicissitudes de la lutte qui se livre dans l’âme du jeune homme, comme si nous suivions des yeux les péripéties d’une bataille véritable.