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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 1.djvu/224

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LETTRE VII

Denys. » — Nous voilà donc partis et introduits chez le tyran. Les deux autres, les yeux remplis de larmes, gardaient le silence. Et moi, je pris la parole : « Mes compagnons ont peur que tu ne veuilles prendre contre Héraclide des mesures contraires à nos conventions d’hier. On a remarqué, en effet, me semble-t-il, qu’il se cache par ici. » — Dès qu’il m’eut entendu, Denys s’emporta ; son visage passa par toutes les couleurs, comme il arrive à un homme en colère. Théodote tombant à ses pieds, lui saisit la main en b pleurant et en le suppliant de ne rien faire de semblable. Je repris pour l’encourager : « Rassure-toi, Théodote, Denys n’osera pas aller contre ses promesses d’hier. » Alors, lui me regardant avec des yeux de vrai tyran : « Toi, dit-il, je ne t’ai absolument rien promis. » — « Si certes, par les dieux, répliquai-je, et précisément la grâce que cet homme te demande. » Sur ces paroles, je lui tournai le dos et m’en allai. Là-dessus, Denys se mit à faire donner la chasse à Héraclide, c mais Théodote envoya à ce dernier des émissaires pour le presser de s’enfuir. Le tyran lança à sa poursuite Tisias à la tête d’une troupe de peltastes, mais Héraclide, dit-on, le prévint de quelques heures et put se sauver sur le territoire de Carthage[1].

Après cet événement, l’ancien projet de ne pas rendre les biens de Dion parut à Denys rencontrer un motif plausible dans ses relations inamicales avec moi, et, d’abord, il me renvoya de l’acropole sous d prétexte que les femmes devaient offrir un sacrifice de dix jours dans le jardin où j’habitais. Il m’ordonna de passer ce temps-là au dehors chez Archédèmos. Je m’y trouvais, quand Théodote me manda chez lui, m’exprima sa vive indignation pour tout ce qui s’était passé

    à notre avis, l’artifice littéraire pour mériter une entière confiance.

  1. Cet incident n’est rapporté ni par Diodore, ni par Plutarque. Diodore raconte même différemment l’exil d’Héraclide. Dion, devenu suspect à Denys, se serait soustrait aux menaces du tyran en se cachant d’abord chez des amis, puis en s’échappant dans le Péloponnèse. Héraclide l’aurait alors accompagné (XVI, 6). Plutarque (Dion, c. 32) signale aussi la présence d’Héraclide dans le Péloponnèse et mentionne simplement sa situation d’exilé (Ἦν δὲ τῶν φυγάδων Ἡρακλείδης). Il parle surtout de ses dissentiments avec Dion, qui commencèrent à cette époque et l’excitèrent à se séparer du chef de l’opposition pour constituer un parti distinct. On sait les difficultés qu’il créa dans la suite à Dion.