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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 1.djvu/228

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LETTRE VII

parents et mes amis, c à préparer notre vengeance contre Denys, nous pour sa fourberie envers des hôtes (c’est ainsi qu’il nommait et jugeait sa conduite), lui, pour l’injuste bannissement et l’exil. À ces paroles, je lui permis de faire appel à nos amis, s’ils y consentaient. « Pour moi, ajoutais-je, c’est quasi forcé par toi et par les autres que j’ai partagé la table, la demeure et les sacrifices de Denys. Le tyran croyait, peut-être, sur l’affirmation de nombreux calomniateurs, que je conspirais avec toi contre lui et contre la tyrannie, — et pourtant il ne m’a pas d fait mettre à mort et a reculé devant ce crime. De plus, je ne suis plus d’âge à m’associer à qui que ce soit pour une entreprise guerrière. Au contraire, je suis des vôtres, si jamais, éprouvant le besoin de vous unir d’amitié, vous voulez faire quelque chose de bon. Mais tant que c’est pour vous faire du mal, cherchez ailleurs. » — Voilà comment je m’exprimais, après avoir maudit ma course aventureuse[1] et mon insuccès en Sicile. Mais ils ne m’écoutèrent pas et ne se laissèrent pas persuader par mes tentatives de conciliation. Aussi sont-ils responsables de tous les malheurs qui leur sont maintenant survenus. Si Denys avait rendu les e biens de Dion ou s’était pleinement réconcilié avec lui, rien de tout cela ne serait arrivé, autant du moins qu’on en peut humainement conjecturer — car pour Dion, j’aurais eu assez de vouloir et de pouvoir pour le retenir facilement. Mais à présent, en marchant l’un contre l’autre, ils ont déchaîné partout des désastres. 351 Dion, pourtant, sans aucun doute, n’aurait eu d’autre désir que celui même dont je dois être animé, pourrais-je dire, moi et tout homme modéré, et relativement à son pouvoir, à ses amis, à sa propre cité, il n’aurait songé, puissant et honoré, qu’à répandre ses plus grands bienfaits au milieu des grandeurs. Or, tel n’est pas le cas de celui qui s’enrichit, lui, ses amis et sa cité, en forgeant des complots et réunissant des conjurés, lui, pauvre et incapable de se maîtriser, lâche victime de ses passions ;

  1. Le terme πλάνη rappelle les expéditions aventureuses d’Ulysse, auxquelles songeait déjà Platon à la page 345 e. — Aristoxène se sert de cette même expression pour caractériser le dernier voyage de Platon en Sicile (Eus. Praep. eu. 15, 2). Faut-il voir là une allusion au texte présent et conclure à un témoignage très ancien en faveur de l’authenticité de la lettre ? Adam le croit (Archiv f. Gesch. der Phil., 1910, p. 37). Nous n’oserions être aussi affirmatifs, car il