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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 1.djvu/240

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LETTRE VIII

à la tyrannie et avaient ainsi causé, chacun de leur côté, leur propre ruine et celle de leur cité. Alors craignant à la fois pour sa patrie et pour sa famille, il apporta, comme remède, l’institution du sénat et le lien des éphores, salutaire au pouvoir royal. C’est ainsi que ce pouvoir royal s’est conservé glorieusement durant tant de générations, car c’est la loi c qui commandait en reine aux hommes et non les hommes qui se faisaient les tyrans des lois. Voici donc ce que mon discours présent recommande à tous : aux partisans de la tyrannie, d’écarter et de fuir impitoyablement ce que les gens insatiables et insensés regardent comme le bonheur, d’essayer de transformer le régime en royauté et d’obéir aux lois royales, en n’acceptant les honneurs suprêmes que de la volonté des hommes et des lois. Quant à ceux qui d poursuivent des institutions libérales et fuient le joug de la servitude comme un mal, je les engagerais à prendre garde de ne pas tomber, par le désir insatiable d’une liberté sans frein, dans la maladie de leurs ancêtres, maladie dont ils ont souffert à cause de l’absence d’autorité, conséquence de leur amour exagéré de la liberté. Avant le gouvernement de Denys et d’Hipparinos[1], les Siciliens vivaient heureux, à ce qu’ils croyaient, menant une vie de plaisir et en même temps se faisant les chefs de leurs chefs. Ils firent lapider les dix généraux qui commandaient avant Denys, e sans aucun jugement légal, et cela pour n’obéir à aucune domination juste ou conforme à la loi, et pour être complètement libres. Or ce fut là pour eux l’origine des tyrannies. La servitude et la liberté exagérées sont toutes deux un très grand mal, modérées, elles sont excellentes. La soumission à Dieu est selon la mesure ; elle passe la mesure, si elle s’adresse à l’homme. Or Dieu, pour les gens sages, c’est la loi ; 355 pour les insensés, c’est le plaisir[2]. Puisqu’il

  1. Cf. 353 b.
  2. La logique de ces deux dernières propositions est plutôt dans la pensée de Platon que dans la formule qu’il en a donnée. À prendre matériellement les deux phrases, on leur ferait exprimer tout le contraire de ce que voulait l’auteur, car s’il est juste de se soumettre à Dieu, puisque, pour les uns, Dieu est la loi ; pour les autres, le plaisir, les uns et les autres agiront « selon la mesure » en obéissant à leur divinité. Ce n’est pas évidemment ce que pense Platon. Il faut donc supposer une idée intermédiaire et comprendre : Dieu, pour les gens sensés, c’est la loi qui exprime la volonté divine ; les