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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 1.djvu/242

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LETTRE VIII

en est ainsi, les conseils que je donne, je prie les amis de Dion de les communiquer à tous les Syracusains, comme étant notre avis commun et à lui et à moi. Pour moi, j’interpréterai ce qu’il vous exprimerait maintenant, lui, s’il vivait encore et pouvait parler. — Eh bien ! pourrait-on nous demander, que nous dit le conseil de Dion sur les affaires présentes ? — Voici.


Conseils confirmés et précisés par Dion.

« Recevez avant tout à Syracusains, des lois qui ne vous paraissent pas de nature à tourner vos pensées vers la passion du gain b et de la richesse. Mais des trois choses, l’âme, le corps et enfin les richesses, c’est la vertu de l’âme dont il faut faire le plus de cas[1] ; en second lieu, celle du corps qui est au-dessous de la vertu de l’âme ; en troisième et dernier lieu, les richesses, faites pour servir le corps et l’âme. Une institution qui réaliserait cet ordre serait chez vous une loi bien établie apportant le vrai bonheur à ceux qui lui seraient soumis[2]. c Mais appeler heureux les riches, c’est un langage funeste en soi, et un langage insensé de femmes et d’enfants qui rend également insensés ceux qui y croient. C’est la vérité que je vous conseille et si vous faites l’expérience de mes affirmations présentes sur les lois, vous en éprouverez l’effet, car l’expérience est en tout la meilleure pierre de touche. Avec de telles lois, puisque la Sicile est en danger et que vous n’êtes ni suffisamment vainqueurs, ni suffisamment vaincus[3], d il serait peut-être juste et utile pour

    insensés, eux, se forgent une divinité, le plaisir, qui n’a rien de divin et ne requiert pas notre soumission. Dans les Lois VI, 762 e, l’obéissance aux lois est identifiée au service des dieux.

  1. La doctrine de la hiérarchie des biens se trouve déjà dans Gorgias, 477 c. et suiv. Le développement de ce passage met précisément en lumière la valeur de l’âme, supérieure au corps et aux richesses.
  2. Telle est pour Platon la marque des bonnes lois : rendre heureux ceux qui les observent, οἱ Κρητῶν νόμοι οὐκ εἰσὶ μάτην διαφερόντως ἐν πᾶσιν εὐδόκιμοι τοῖς Ἕλλησιν· ἔχουσιν γὰρ ὀρθῶς, τοὺς αὐτοῖς χρωμένους εὐδαίμονας ἀποτελοῦντες (Lois I, 631 b).
  3. Hipparinos avait chassé Callippe du pouvoir, mais les partis très divisés manquaient de force. Denys gardait des intelligences dans la place et guettait l’heure favorable pour revenir. De fait, après avoir gouverné deux ans, Hipparinos à son tour était renversé.