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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 1.djvu/59

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LETTRE VII

ou plus exactement, de montrer l’objet des recherches, mais d’aider l’âme à prendre conscience du vrai qu’elle porte en elle (518 d)[1].

Ces réflexions provoquent naturellement une demande dans l’esprit du lecteur : mais pourquoi la science du réel est-elle incommunicable ? L’auteur de la lettre ne laissera pas sans réponse la question présumée. Pour cela, il devra forcément aborder des explications techniques qui trancheront avec le ton général de l’épître. En deux ou trois pages, il va discuter tout le problème philosophique de la transmission de la science. Voulons-nous communiquer à autrui une vérité, il faut : 1o user de noms ; 2o expliquer ce qu’ils signifient ; 3o illustrer la définition par un modèle, un diagramme, ou par des images, des εἴδωλα. C’est uniquement par ces intermédiaires qu’on arrive à faire passer dans un autre esprit une connaissance, car cinq éléments constituent le domaine du savoir : à titre de conditions, le nom, la définition, l’image ; — à titre de possession, la connaissance qui est ou science conceptuelle, ou intuition, ou opinion vraie[2] ; — à titre d’objet, l’être ou l’idée. Dans les Lois, négligeant l’élément subjectif ou les états de l’âme dans l’acte cognitif, Platon distingue également l’οὐσία ou l’essence, la définition de l’essence et le nom (X, 895 d, e). Ici, l’énumération est plus complète et toutes les phases du savoir sont distinguées, comparées, suivant un procédé qui rappelle le dénombrement et la confrontation des genres dans le Sophiste ou le Philèbe. On doit passer par les étapes signalées plus haut pour aboutir à quelque appréhension de l’objet. Du reste, le résultat obtenu n’est pas nécessairement la connaissance scientifique : c’est plutôt, généralement du moins, une connaissance approximative, superficielle, et cela pour deux

  1. Voir encore le passage sur la maïeutique dans Théétète, 149-151 ; Phèdre, 274-277.
  2. Il est inexact, comme le prétend Karsten, que Platon confonde ἐπιστήμη, νοῦς, ἀληθὴς δόξα (342 c). S’il les rapproche, c’est qu’il indique quels peuvent être les divers états de la connaissance par rapport aux objets. Mais précisément, quelques lignes plus bas (342 d), il note que seul le νοῦς a, par nature, plus d’affinité avec le cinquième élément ou la réalité, que les autres degrés du savoir.