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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 1.djvu/88

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NOTICES

s’est rendu en Sicile que beaucoup plus tard, au moment où Platon s’y trouvait lui-même pour la dernière fois. Le désaccord entre les données historiques et l’état psychologique que révèle la Lettre, éveille déjà des doutes contre l’origine du document. On a l’impression d’avoir affaire à un rhéteur informé d’une manière générale des aventures siciliennes, qui a lu la 7e lettre, s’inspire des Dialogues, mais ne s’est pas suffisamment soucié de rétablir les divers plans de l’histoire.

Cette impression se confirme quand on compare les passages parallèles de la 7e lettre avec celle-ci. L’imitation saute aux yeux et ce qui est significatif, c’est la façon dont le modèle a été utilisé, exagéré, faussé. Nous en donnerons quelques exemples. La supposition relative à la formation philosophique de Denys, à ses découvertes ou à son initiation scientifique par des maîtres étrangers, supposition ironique dans la 7e lettre (345 b), est également exprimée ici, presque dans les mêmes termes et à deux reprises (312 b et 313 b). Mais le ton est tout autre. Platon paraît admettre sérieusement la réalité d’une hypothèse qu’il traite ailleurs avec tant de dédain. — La fameuse déclaration concernant la connaissance suprême, qui ne s’apprend pas comme les autres sciences et n’a pu faire l’objet de traités systématiques de la part du philosophe (341 c), se transforme dans la lettre II en l’étonnante protestation : « il n’existe aucun écrit de Platon et il n’y en aura point. Ce que l’on désigne aujourd’hui sous ce nom est l’œuvre de Socrate au temps de sa belle jeunesse » (314 c) !

Ailleurs, les Dialogues sont largement mis à contribution et il n’est pas malaisé de reconnaître un pastiche du Théétète et du Ménon dans le passage sur le douloureux enfantement des âmes en travail de vérité (313 a) ou dans la réflexion sur la fragilité des preuves que l’on n’a pas liées (313 b). À tout instant même, un mot, une pensée paraissent jaillir comme une réminiscence sous la plume de l’écrivain et s’adaptent à leur cadre d’une façon peu naturelle : la digression, que rien n’appelle ici, sur la persistance chez les morts d’une sorte de sentiment des choses d’ici-bas (311 c), pourrait bien s’expliquer par la fantaisie qu’on aurait eue de reproduire un trait du Ménéxène (248 c) et peut-être aussi par le désir de l’auteur d’affirmer nettement son avis au