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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/110

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228 a
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HIPPARQUE OU L’HOMME CUPIDE

228Socrate. — N’avons-nous pas reconnu à l’instant que le gain est le contraire de la perte qui, elle, est un mal ?

Le disciple. — Je l’avoue.

Socrate. — Et qu’étant contraire à un mal, il est un bien ?

Le disciple. — En effet, nous l’avons reconnu.

Socrate. — Tu vois bien, tu essaies de me tromper en affirmant exprès le contraire de ce que nous venons d’accorder.

Le disciple. — Non, par Zeus, Socrate, mais tout au contraire, toi tu me trompes, et je ne sais comment, dans la discussion, tu retournes tout sens dessus dessous[1].

bSocrate. — Surveille ton langage ! J’agirais bien mal en n’obéissant pas à un homme bon et sage.

Le disciple. — Quel homme et de quoi s’agit-il ?


Intermède.
L’Épisode
d’Hipparque.

Socrate. — C’est mon concitoyen et le tien, le fils de Pisistrate du dème de Philèdes, Hipparque, l’aîné des fils de Pisistrate et le plus sage. Entre autres preuves nombreuses et remarquables de sagesse, il introduisit le premier dans ce pays les poèmes d’Homère et obligea les rhapsodes à les réciter aux Panathénées, les uns après les autres, sans interruption, cce qu’ils font encore aujourd’hui[2]. Il envoya aussi à Anacréon de Téos[3] un vaisseau de cinquante rames pour l’amener dans la ville ; il garda toujours auprès de lui Simonide de Céos[4], en le comblant de récompenses et de cadeaux. Et tout cela, il le fit dans l’intention d’éduquer ses concitoyens, afin d’avoir à commander à des gens excellents : il ne pensait pas, en effet, qu’il fallût refuser à personne la sagesse, honnête et bon comme il l’était. Lorsqu’il eut achevé d’instruire les citadins et de les émerveiller par sa sagesse, dil forma le projet de faire alors l’éducation des campagnards. Dans ce but, il fit dresser pour

  1. Cf. Gorgias 511 a : Οὐκ οἶδ' ὅπῃ στρέφεις ἐκάστοτε τοὺς λόγους ἄνω καὶ κάτω.
  2. Aristote appelle Hipparque φιλόμουσος (Const. d’Athènes, 18, 1).
  3. Cf. Aristote, l. c. Anacréon était le poète de cour et les grandes familles d’Athènes se le disputaient. Cf. Charmide 157 e. Voir A. Croiset, Hist. de la Litt. grecque II3, p. 252 et suiv.
  4. Cf. Aristote, l. c. Simonide « excelle dans l’élégie comme