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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/114

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HIPPARQUE OU L’HOMME CUPIDE

ment : l’affront fait à la sœur [d’Harmodios][1], la canéphore[2], — car ce serait absurde —, mais Harmodios était aimé d’Aristogiton et avait été formé par lui. Or, Aristogiton, très fier d’avoir instruit cet homme, s’imaginait avoir Hipparque pour rival. Mais voilà qu’en ce même temps, Harmodios lui-même s’éprend d’un de ces beaux det nobles jeunes gens d’alors, on dit bien son nom, mais je l’ai oublié. Ce jeune homme, jusque-là plein d’admiration pour la sagesse d’Harmodios et d’Aristogiton, en vint ensuite à fréquenter Hipparque et à mépriser les autres. D’où il arriva que ceux-ci ne purent souffrir cet affront et tuèrent Hipparque.

Le disciple. — J’ai bien peur, Socrate, ou que tu ne me regardes pas comme ton ami, ou, si tu me crois tel, que tu désobéisses à Hipparque. Je ne puis me persuader que, dans cette discussion, etu ne me trompes pas, — mais, par exemple, je ne sais comment.


Reprise
de la discussion.

Socrate. — Eh bien ! je veux, dans cette discussion, faire comme si nous jouions au trictrac[3], je t’abandonnerai les propositions que tu voudras, pour que tu ne t’imagines pas être trompé. Veux-tu que je retire celle-ci : tous les hommes désirent les biens ?

Le disciple. — Non pas certes.

Socrate. — Alors celle-ci : perdre est un mal, la perte est un mal ?

Le disciple. — Non pas certes.

Socrate. — Celle-ci : la perte et subir une perte ont comme contraires le gain et réaliser un gain ?

230Le disciple. — Pas davantage.

Socrate. — Celle-ci : puisque gagner est le contraire du mal, gagner est un bien ?

Le disciple. — Mais, pas toujours ! Retire-moi cela.

  1. Le nom d’Harmodios a, sans doute, été oublié par les copistes. Grammaticalement, le texte indiquerait qu’il s’agit de la sœur d’Hipparque, ce qui est manifestement faux.
  2. La canéphore était la jeune fille athénienne qui, dans les Panathénées, portait sur la tête une corbeille plate contenant le gâteau sacré, la guirlande, l’encens, et le couteau du sacrifice.
  3. Le jeu de trictrac était très en faveur chez les Grecs. Platon y fait souvent allusion, v. g. Charmide 174 b ; Gorgias, 450 d ;