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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/148

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MINOS OU SUR LA LOI

savoir que les mêmes hommes ne sont pas toujours régis par les mêmes lois et que les lois changent aussi avec les hommes. Par exemple, chez nous, il n’y a pas de loi prescrivant les sacrifices humains : ce serait, au contraire, abominable ; tandis que les Carthaginois cfont de tels sacrifices comme une chose sainte et légale, et même certains d’entre eux vont jusqu’à immoler leurs propres enfants à Kronos, comme tu as pu l’entendre dire toi aussi. Et ce ne sont pas seulement les barbares qui sont régis par des lois différentes des nôtres, mais encore les habitants de Lykaeon et les descendants d’Athamas, quels sacrifices n’offrent-ils pas, bien qu’ils soient Grecs cependant ! Mais même chez nous, tu sais, sans doute, pour l’avoir entendu toi-même, quelles étaient nos lois autrefois concernant les morts : on égorgeait des victimes avant d’enlever le cadavre det on faisait venir des femmes pour recueillir le sang des victimes dans une urne, et dans des temps encore plus anciens, on ensevelissait les morts dans sa maison même. Or, nous ne faisons rien de tout cela. On pourrait encore rapporter mille exemples semblables, car il y a bien des manières de démontrer que ni nous-mêmes, chez nous, nous ne nous conformons toujours aux mêmes usages, ni les autres hommes chez eux.

Socrate. — Il est fort possible, mon très cher, que tu aies raison. En tout cas, cela m’échappe. Mais tant que, toi de ton côté, tu développeras au long eet au large tout ce qui te passera par la tête, et que j’en ferai autant à mon tour, il n’y aura pas moyen de nous rencontrer, à mon avis. Si, au contraire, nous mettons en commun le sujet de la discussion, nous finirions peut-être par nous entendre. Donc, si tu veux, pose-moi quelque question et examine la chose de concert avec moi, ou si tu préfères, réponds.

Le disciple. — Mais Socrate, je veux bien répondre, à tout ce que tu voudras.


Solution
de l’objection.

Socrate. — Eh bien ! voyons, que penses-tu ? Que les choses justes sont injustes et les choses injustes, justes, ou que les choses justes sont justes et les choses injustes, injustes ?

Le disciple. — Pour moi, les choses justes sont justes et les choses injustes, injustes.