Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316 a
92
MINOS OU SUR LA LOI

316Socrate. — Et chez tous, n’est-ce pas, on pense comme ici ?

Le disciple. — Oui.

Socrate. — Également chez les Perses ?

Le disciple. — Également chez les Perses.

Socrate. — Et toujours, évidemment ?

Le disciple. — Toujours.

Socrate. — Ce qui pèse davantage, le regarde-t-on ici comme plus lourd et ce qui pèse moins, comme plus léger, ou est-ce tout le contraire ?

Le disciple. — Non, mais ce qui pèse davantage est pour nous plus lourd, ce qui pèse moins, plus léger.

Socrate. — N’en est-il pas ainsi également à Carthage et à Lykaeon[1] ?

Le disciple. — Oui.

Socrate. — Ce qui est beau, est apparemment jugé beau partout, et ce qui est laid, laid, bmais non ce qui est laid, beau et ce qui est beau, laid.

Le disciple. — C’est cela.

Socrate. — Ainsi, en un mot, on regarde comme réel ce qui est réel, et non ce qui ne l’est pas, et cela chez nous comme chez tous les autres peuples.

Le disciple. — Il me le semble.

Socrate. — Donc, qui fait erreur sur ce qui est réel, fait erreur sur ce qui est légal[2].

Le disciple. — Par conséquent, Socrate, d’après toi, les mêmes choses paraissent toujours légales et chez nous et chez les autres. Mais quand je songe que nous ne cessons de mettre les lois sens dessus dessous, cje ne puis te croire.

Socrate. — Peut-être ne réfléchis-tu pas que, sous tous ces bouleversements, elles restent les mêmes. D’ailleurs,

  1. Ville d’Arcadie, un des principaux centres du culte de Zeus et de Pan.
  2. Aux objections faites par le disciple contre l’unité de la notion de loi, objections tirées de la diversité des lois humaines et des contradictions qui existent entre elles, Socrate oppose l’unité de l’espèce humaine relativement à la connaissance de la réalité. La thèse de l’unité de la vérité est impliquée dans ce passage. Tous les hommes, dans tous les pays, soumettent leur intelligence à ce qu’ils ont reconnu comme vrai. Or, la vérité est accessible à l’esprit, et, en toute matière, il se trouve des gens compétents qui savent la