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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/164

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MINOS OU SUR LA LOI

héros, fils de Zeus. Homère, disant de la Crète qu’elle a de nombreux habitants et quatre-vingt-dix villes, ajoute :

Parmi elles, Cnossos, grande ville où Minos
Régna, tous les neuf ans confident du grand Zeus[1].

cVoilà l’éloge qu’Homère, en peu de mots, décerne à Minos, éloge comme il n’en accorde à aucun autre héros. Que Zeus soit un sophiste[2] et que son art soit très beau, il l’a souvent montré ailleurs, mais il le montre particulièrement ici. Il dit, en effet, que Minos, tous les neuf ans, conversait avec Zeus et le fréquentait pour recevoir de lui des leçons, ce qui implique que Zeus était sophiste[3]. Or, que ce bienfait d’avoir été formé par Zeus, Homère ne l’ait attribué à aucun de ses héros, sauf à Minos, dc’est là un magnifique éloge. De plus, dans la descente aux enfers que raconte l’Odyssée, c’est Minos qu’il a représenté jugeant, avec un sceptre d’or à la main, et non pas Rhadamanthe[4]. Là, il n’a point donné à Rhadamanthe la fonction de juge, et nulle part, non plus, il ne l’a montré en relation avec Zeus. C’est pourquoi j’affirme que Minos est de tous les héros celui qu’Homère a le plus loué. Le fait que, parmi les fils de Zeus, il ait été le seul élevé par Zeus, est une louange que rien ne dépasse. Et ce vers :

Régna, tous les neuf ans confident du grand Zeus,

esignifie, en vérité, que Minos fut le disciple chéri de Zeus. Car les ὄαροι sont des discours et ὀαριστὴς est le confident. Minos passait une année sur neuf dans l’antre de Zeus, soit

  1. Odyssée, XIX, 178 et suiv.
  2. Au sens étymologique (σοφὸς, homme habile). Cf. Républ., X, 596 d ; Ménon, 85 b : Cratyle, 403 e.
  3. D’après la légende, « quand Zeus eut pris la forme du divin taureau, Minos fut le fils, et, selon l’Odyssée, le « compagnon du grand Zeus ». Une fois désigné par la volonté céleste à la vénération des hommes, il devenait « roi pour une période de neuf ans ». Au bout de neuf ans, la puissance divine qui lui était insufflée était épuisée ; il devait la renouveler. Il gravissait la montagne sainte, pour converser, pour communier avec le dieu… il venait rendre des comptes à son père, se soumettre au jugement de son maître… » (Glotz, op. cit., p. 173).
  4. Odyssée, XI, 568. Ce passage est également cité par Platon, dans Gorgias, 526 d.