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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/186

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LES RIVAUX

en visant son rival et en parlant bien fort pour se faire entendre de celui qu’il aimait ».

Je repris : « Cela te semble donc beau de philosopher » ?

« Parfaitement », répondit-il.

« Eh quoi ! poursuivis-je, te paraît-il possible de savoir d’une chose quelconque qu’elle est belle ou laide, si l’on ne sait d’abord ce qu’elle est » ?

c« Non », dit-il.

« Tu sais donc, repartis-je, ce que c’est que philosopher » ?

« Parfaitement », répliqua-t-il.

« Qu’est-ce donc », demandai-je ?


I. Érudition
et philosophie.

« Que serait-ce, sinon ce qu’a pensé Solon ? Solon a dit, en effet, quelque part :


Je vieillis ne cessant d’étendre mon savoir[1].

Et je crois, de fait, qu’il faut toujours acquérir du nouveau que l’on soit jeune ou vieux, si l’on veut devenir philosophe, afin d’apprendre le plus que l’on pourra durant sa vie ».

Au premier aspect, sa réponse ne me parut pas dénuée de sens ; puis, après avoir un peu réfléchi, je lui demandai si par philosophie, il entendait l’érudition.

Et lui : « Tout à fait », répondit-il.

d« Mais penses-tu que la philosophie soit belle seulement, ou encore qu’elle est bonne », repris-je.

« Qu’elle est de plus très bonne, dit-il ».

« Est-ce seulement dans la philosophie que tu remarques cette caractéristique, ou te semble-t-elle aussi se trouver ailleurs ?

Par exemple, la culture gymnastique est-elle, selon toi, non seulement belle, mais encore bonne, oui ou non » ?

Lui, avec beaucoup d’ironie, fit deux réponses : « À

  1. Platon fait allusion à ce vers bien connu dans Lachès, 188 b, 189 a, et dans la République, VII, 536 d. Mais tandis que, dans ce dernier dialogue, la maxime est rejetée par Socrate, dans Lachès elle est interprétée par les interlocuteurs de Socrate, Nicias et Lachès, dans un tout autre esprit que par le jeune homme des Rivaux. Les premiers, en effet, font moins de cas de la quantité des connaissances que de leur qualité, et ils ne confondent pas la philosophie avec la pure érudition.