Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133 d
116
LES RIVAUX

celui-ci je dirais qu’elle n’est ni l’une ni l’autre ; mais devant toi, Socrate, eje reconnais qu’elle est belle et bonne, car je pense juste ».

Je l’interrogeai alors : « Eh bien ! crois-tu que ce soit dans l’abondance des exercices que consiste la culture gymnastique » ?

Et lui de répondre : « Parfaitement, de même qu’en matière de philosophie, c’est l’érudition que je considère comme la philosophie ».

Je repris : « Crois-tu donc que ceux qui cultivent la gymnastique désirent autre chose que se procurer la santé du corps » ?

« C’est cela qu’ils désirent ».

« Or, est-ce la quantité d’exercices, continuai-je, qui procure la santé » ?

134« Mais, répliqua-t-il, comment avec peu d’exercices pourrait-on se bien porter » ?

Il me parut bon à ce moment de stimuler l’amateur de sport pour qu’il vînt à mon aide avec son expérience de la gymnastique. M’adressant alors à lui : « Et toi, pourquoi ne dis-tu rien, excellent homme, quand il parle ainsi ? Es-tu également de cet avis que les hommes se portent bien, grâce à la quantité des exercices, — ou grâce à des exercices modérés » ?

« Pour moi, Socrate, répondit-il, je pensais que même un porc, comme on dit[1], bsaurait que les exercices modérés donnent la santé ; — pourquoi pas un homme qui ne dort ni ne mange, un homme au cou délicat, émacié par la méditation[2] » ? Ces paroles égayèrent les adolescents qui éclatèrent de rire. Quant à l’autre, il rougit.

  1. La correction proposée par Hermann (κἄν ὖν au lieu de καὶ νῦν), paraît assez vraisemblable. Le texte, dans ce cas, pourrait être une imitation de Lachès, 196 d : Κατὰ τὴν προιμίαν ἄρα τῷ ὄντι οὐκ ἂν πάσα ὗς γνοίη οὐδ’ ἀνδρεία γένοιτο. Cf. la scholie à ce passage : κἄν κύων κἄν ὗς γνοίη, ἐπὶ τοῦ ῥᾳδίου καὶ εὐγνώστου, ὥστε καὶ τὰ ἀμαθέστατα ζῶα καταμαθεῖν.
  2. Cf. la réponse du sportif au portrait que son compagnon a fait de lui un peu plus haut (182 c). L’expression ἀτριβὴς τράχηλος signifie proprement « le cou qui n’est pas usé par le frottement du joug ». Quant à la formule λεπτὸς ὑπὸ μεριμνῶν, c’était une plaisanterie assez ordinaire à l’adresse des philosophes. Voir Aristophane,