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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/204

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LES RIVAUX

pable de discerner s’il est bon ou méchant lui-même, puisqu’il est homme aussi » ?

Il le concéda.

« Or, s’ignorer soi-même, est-ce posséder la sagesse ou manquer de sagesse » ?

« Manquer de sagesse ».

« Par conséquent, se connaître soi-même, c’est être sage » ?

« Je l’avoue », dit-il.

« Voilà donc, apparemment, ce que recommande l’inscription de Delphes[1] : pratiquer la sagesse et la justice ».

« Apparemment ».

« Mais n’est-ce pas précisément cette même vertu qui nous apprend à redresser » ?

« Oui ».

b« Donc, n’est-il pas vrai, la vertu qui nous apprend à redresser, c’est la justice ; celle qui nous apprend à connaître distinctement et nous-mêmes et les autres, c’est la sagesse » ?

« Apparemment », dit-il.

« Donc, justice et sagesse, c’est la même chose » ?

« Il le paraît ».

« Et de même les cités sont, elles aussi, bien régies, quand les méchants sont punis ».

« Tu dis vrai », répondit-il.

« Et voilà ce qu’est la science politique ».

Il fut encore de cet avis.

« Mais quand un seul homme gouverne bien un État, ne l’appelle-t-on pas tyran et roi » ?

« J’en conviens ».

« N’est-ce pas au moyen de la science royale et tyrannique qu’il gouverne » ?

« Certainement ».

  1. Platon, dans Protagoras, 343 a, attribue aux sept sages l’origine de l’inscription delphique : « Tous ces hommes, dit-il, furent des admirateurs passionnés et des disciples de l’éducation lacédémonienne, et ce qui prouve bien que leur science était de même sorte, ce sont les mots brefs et mémorables prononcés par chacun d’eux lorsque, s’étant réunis à Delphes, ils voulurent offrir à Apollon, dans son temple, les prémices de leur sagesse, et qu’ils lui consacrèrent les inscriptions que tout le monde répète, « Connais-toi toi-même » et « Rien de trop » (Traduct. A. Croiset, dans la collection Guillaume Budé).