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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/228

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THÉAGÈS

qu’il faille employer, a été la chose la plus facile du monde, mais son éducation est pénible et je suis dans des craintes continuelles à son sujet. Sans parler de bien d’autres choses, l’envie qui le prend actuellement m’effraie beaucoup. — Car ce n’est pas une envie vulgaire, mais elle est périlleuse : — le voilà, en effet, Socrate, qui désire, comme il le dit, devenir un sage. dProbablement quelques-uns de ses camarades, de notre dème, qui descendent à la ville, lui tournent la tête par les discours qu’ils lui rapportent ; il s’est mis à les jalouser et, depuis longtemps, il me tracasse pour que je m’occupe de lui et paye quelque sophiste qui le rende sage[1]. Pour moi ce n’est pas tant la question d’argent qui 122me préoccupe, mais j’estime qu’il ne court pas un risque médiocre. Jusqu’ici, je l’ai retenu par de bonnes paroles ; je ne le puis pourtant pas davantage et je crois qu’il est préférable de lui céder, pour qu’il n’aille pas fréquenter à mon insu quelqu’un qui le corrompe. Voilà donc pourquoi je suis venu aujourd’hui : pour le mettre en relations avec un de ceux qui passent pour sophistes. Tu nous arrives à point, toi l’homme que je désirais le plus consulter sur cette affaire où je dois me décider. Par conséquent, si tu as un conseil à me donner relatif à ce que tu viens de m’entendre exposer, tu le peux bet tu le dois.

Socrate. — Or çà, Démodocos, le conseil, on le dit, du moins, est une chose sacrée[2]. Et si jamais conseil le fut, c’est bien celui que tu viens chercher. Un homme, en effet, ne pourrait délibérer sur rien de plus divin que sur l’éducation, la sienne et celle de ses proches. Mais tout d’abord, enten-

  1. On voit, d’après les dialogues de Platon, par exemple le Protagoras, quel attrait les sophistes exerçaient sur les jeunes gens. C’est contre cette vogue que réagit Socrate.
  2. Cf. Lettre V, 321 c. — Le proverbe reçoit différentes interprétations comme l’explique la scholie qui commente ce passage : le conseil est dit sacré, soit parce que beaucoup se refusent à le donner à cause de la responsabilité qu’ils redoutent, et par crainte de profaner un objet vénérable : ἐπειδὴ καταφεύγουσιν ὥσπερ εἰς τὰ ἱερὰ θέλοντες συμβουλεύεσθαι οἱ ἄνθρωποι…, soit parce qu’on loue le bon conseil à l’égal d’une chose sainte : ἄλλοι δέ φασιν ἔπαινον φέρειν τῆς συμβουλῆς τὴν παροιμίαν· εἶναι γὰρ αὐτὴν θείαν καὶ ὑπὲρ ἄνθρωπον. C’est ce second sens que, d’après le scoliaste, Aristophane aurait adopté dans sa comédie, aujourd’hui perdue, qui avait pour titre Amphiaraos.