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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/244

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THÉAGÈS

Théagès. — Oui vraiment, je pourrais souhaiter, je crois, devenir tyran, sinon de tous les hommes, du moins de la plupart ! Du reste, 126toi aussi, je suppose, et tout le monde, — et peut-être plus encore devenir dieu ! Mais ce n’est pas là ce que j’affirmais désirer[1].

Socrate. — Qu’est-ce donc alors que tu désires ? Ne disais-tu pas que tu désirais gouverner tes concitoyens ?

Théagès. — Non par la force, ni à la façon des tyrans, mais de leur plein consentement, comme ont fait les autres, les hommes célèbres de la cité.

Socrate. — Veux-tu dire comme Thémistocle, Périclès, Cimon et tous ceux qui se sont illustrés dans la vie politique ?

Théagès. — Oui, par Zeus, voilà ceux dont je parle.

Socrate. — Eh bien ! si tu désirais devenir habile en équitation, bà qui croirais-tu devoir t’adresser pour être un bon cavalier ? Serait-ce à d’autres qu’à des écuyers ?

Théagès. — Non, par Zeus.

Socrate. — Et encore à ceux qui sont bons en cet art, qui ont des chevaux, et montent fréquemment, soit les leurs, soit beaucoup d’autres ?

Théagès. — C’est clair.

Socrate. — Et si c’était dans l’art de lancer le javelot que tu voulais devenir habile ? Ne croirais-tu pas acquérir cette habileté en t’adressant à de bons tireurs, à ceux qui ont des javelots, s’en servent souvent et d’un grand nombre, que ce soient les leurs cou ceux des autres ?

Théagès. — Il me le semble.

Socrate. — Dis-moi donc : puisque c’est en politique que tu veux te rendre habile, penses-tu le devenir en t’adressant à d’autres qu’à ces politiques qui, à la fois, sont compétents en ces matières, ont souvent dirigé leur propre cité, ainsi que beaucoup d’autres, et sont en relations avec les États

  1. Cf. Alcib. I, 105 a, b, c, mais surtout Alcib. II, 141 c. Le rapport est ici peut-être encore plus étroit avec ce second dialogue. Tandis que dans Alcib. I, il est question du désir de commander, de gouverner d’une façon générale, Théagès et Alcib. II parlent d’exercer la tyrannie (τύραννος γενέσθαι). Brunnegke, dans sa dissertation De Alcibiade II qui fertur Platonis, fait remarquer l’étrangeté du mot εὐξαίμην dans Théagès : le jeune homme exprime ainsi son vœu d’obtenir la tyrannie. Ce mot se trouve uniquement à cet endroit du dialogue. Pour formuler le même souhait, la République