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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/246

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THÉAGÈS

grecs ou barbares ? Ou crois-tu qu’en le liant avec d’autres, tu acquerras l’habileté que possèdent ces hommes compétents, plutôt qu’en te liant avec eux ?

dThéagès. — Mais j’ai entendu rapporter, Socrate, les discours qu’on te prête : ces hommes politiques, d’après toi, ont des fils qui ne valent pas mieux que ceux des cordonniers. Et cela me paraît très exact, autant que j’en puis juger. Je serais donc bien sot, si j’imaginais que l’un d’entre eux pût me communiquer sa science, au lieu d’aider son propre fils, s’il était capable de rendre en cela service à quelque mortel[1].

Socrate. — Mais voyons, ô le meilleur des hommes, que ferais-tu si tu avais un fils qui te tourmentât ainsi, qui te manifestât son désir de devenir un peintre habile, ete reprochât à toi, son père, de refuser de faire des dépenses pour lui dans ce but, — et puis n’aurait que mépris pour les professionnels de cet art, les peintres, et ne voudrait pas prendre leurs leçons ? J’en dirais autant des joueurs de flûte, s’il voulait devenir joueur de flûte, ou des joueurs de cithare. Saurais-tu que faire de lui, où l’envoyer, puisqu’il ne veut pas se mettre à l’école des hommes du métier ?

Théagès. — Non par Zeus.

127Socrate. — Eh bien ! voilà ce que tu fais à l’égard de ton père, et tu t’étonnes, et tu lui reproches de ne savoir que faire de toi ni où t’envoyer ? Mais nous te mettrons en relations avec qui tu voudras des Athéniens distingués en politique : il s’attachera à toi sans te rien demander. Ainsi, tu n’auras rien à dépenser et tu acquerras beaucoup plus de renom auprès de la foule qu’en t’attachant à tout autre.

    et Alcibiade I emploient le terme ἐλπίζειν ou d’autres semblables, une fois ἐπιθυμεῖν (Alc. I, 105 e). Au contraire Alcibiade II use fréquemment du verbe εὔχεσθαι, et, en particulier, dans le passage analogue à celui de Théagès. Comme, de par ailleurs, ce dernier dialogue paraît être le plus récent, Brunnecke regarde Alcibiade II comme un des modèles utilisés par notre auteur.

  1. C’est là, on le sait, un des thèmes familiers de Platon. Les hommes politiques n’ont rien négligé pour procurer à leurs fils une éducation soignée. Ils leur ont donné les meilleurs maîtres, mais eux-mêmes ont été incapables de leur communiquer leur propre science. Platon en conclut que cette science n’est pas de celles qu’on puisse transmettre. Cf. Protagoras, 319 e et suiv. ; Alc. I, 118 d, e ; Ménon, 93 c et suiv.