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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/248

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THÉAGÈS


III. Socrate,
le vrai maître.

Théagès. — Mais quoi Socrate, n’es-tu pas, toi aussi, un de ces hommes distingués ? Ah ! si tu voulais m’attacher à toi, cela me suffirait et je ne chercherais personne autre.

bSocrate. — Que dis-tu là, Théagès ?

Démodocos. — Socrate, en vérité, il ne parle pas trop mal, et, puis, quel plaisir tu me ferais ! car, il ne saurait m’échoir aubaine meilleure, à mon gré, que de voir ce garçon se plaire en ta société, et toi l’y accueillir volontiers. Je n’ose vraiment dire à quel point je le souhaite. Mais je vous en supplie tous les deux : toi, consens à t’attacher à lui, et toi, ne cherche pas d’autre maître que Socrate. Ainsi, vous me délivrerez de soucis nombreux et pénibles, car, présentement, je redoute fort pour lui qu’il ne tombe entre les mains cde quelqu’un qui le corrompe[1] .

Théagès. — Ne crains plus maintenant pour moi, père, si tu arrives à persuader Socrate de m’accueillir en sa société.

Démodocos. — Tu parles admirablement. Socrate, c’est à toi désormais que s’adresse mon discours. Pour être bref, je suis prêt à te livrer ma personne et tout ce que j’ai de plus cher, pour que, bref, tu en uses à ton gré, si tu accueilles mon Théagès det lui fais tout le bien dont tu es capable.

Socrate. — Démodocos, ton empressement ne m’étonne pas, du moment où tu crois que je peux être d’un grand secours à ton fils, — car, je ne sais vraiment pas de quoi un homme sensé devrait davantage se préoccuper que de rendre son fils le meilleur possible. Mais d’où t’est venue à toi cette idée que, moi, je serais plus apte à aider ton fils et à faire de lui un bon citoyen, que toi-même, et comment lui, a-t-il pu

  1. Un des chefs d’accusation portés contre Socrate, et qui provoqua la condamnation, était que Socrate corrompait la jeunesse (cf. Apologie, 24 b ; Xénophon, Mémorables, I, 1). L’auteur du dialogue, dont l’intention est, sans nul doute, apologétique, insiste ici sur le caractère moral de l’enseignement socratique et veut opposer le philosophe aux sophistes qui, eux, sont les vrais corrupteurs des jeunes gens. Il est fort probable que la réplique de Démodocos est une protestation contre la calomnie répandue à Athènes par les adversaires de Socrate. Ce dernier, dans l’Apologie, écrite par Platon, en appelle aux nombreux disciples, et à leurs parents, qui assistent au procès, entre autres au frère de Théagès, Paralos, fils de Démodocos, pour témoigner de la moralité de ses leçons (33 d, e ; 34 a, b).