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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/292

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CLITOPHON

dre soin du corps, et si voyant que, semblables à des enfants, nous n’avons pas l’air de songer qu’il y a une gymnastique et une médecine, on nous adressât des reproches en nous disant combien il est honteux de mettre toute notre sollicitude à cultiver le blé, l’orge, la vigne, et tout ce que nous acquérons et possédons au prix de tant de peines, en vue du corps, sans chercher à découvrir aucun art, aucune industrie capable d’améliorer ce corps, alors qu’un tel art existe. Demandant à celui qui nous exhorte ainsi : « Quels sont donc les arts dont tu parles ? » 409ce dernier nous répondrait, sans doute : la gymnastique et la médecine. Eh bien ! maintenant, quel est cet art qui concerne la vertu de l’âme ? Dites ». — Celui qui paraissait le plus fort répondit à ma question en ces termes : « Cet art, c’est celui que tu entends prôner par Socrate, ce n’est rien autre que la justice ». — Je répliquai : « Ne te contente pas de prononcer le nom, mais réponds de cette manière. Il y a, n’est-ce pas, un art qui s’appelle la médecine. Or, cet art réalise une double fin[1] : former de nouveaux médecins bqui continuent leurs devanciers et produire la santé. De ces deux fins, l’une n’est plus un art, mais l’œuvre de l’art enseigné ou appris, œuvre que nous appelons précisément la santé. Pour le charpentier de même, il y a la maison et la technique de la construction, l’une qui est l’œuvre, l’autre l’enseignement. Il en faut dire autant de la justice. D’une part, elle rend justes, comme tout à l’heure les autres rendaient habiles en tel ou tel métier ; d’autre part, l’œuvre que peut réaliser l’homme juste, quelle est-elle, selon nous ? Parle ». — L’un me répondit, je crois, ce qui est profitable ; cle second, ce qui convient ; un troi-

    nécessairement de la proposition que la vertu est une science (cf. Mémorables, III, 9, 4 et 5. Éth. Eudém. 5, 1216 b, 6 : ἐπιστήμας γὰρ ᾤετ’ εἶναι πάσας τὰς ἀρετὰς [ὁ Σωκράτης] ὥσθ’ ἅμα συμβαίνειν εἰδέναι τε τὴν δικαιοσύνην καὶ εἶναι δίκαιον). Le second thème n’est qu’une expression un peu différente du γνῶθι σαυτόν, ou du moins une application.

  1. Aristote au début de l’Éth. Nicom. distingue également dans tout art une double fin : l’activité que l’on déploie en exerçant cet art, et le résultat produit (Α, 1, 1904 a, 3). Mais il semble que l’auteur de Clitophon entende plutôt par cette double fin, d’une part, la technique, ou la partie spéculative ; de l’autre la pratique, ou