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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/296

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CLITOPHON

dirent : « La médecine aussi est une union, ainsi que tous les autres arts, et l’on peut indiquer de quoi est cette union ; mais cette justice ou cette union dont tu parles, à quoi tend-elle, voilà qui nous a échappé et on ne voit pas bien quelle est son œuvre ».

Ces questions, Socrate, je te les posai enfin à toi-même et tu me répondis que la justice consistait à nuire à ses ennemis et à faire du bien à ses amis. bMais il a paru ensuite que jamais l’homme juste ne pouvait nuire à qui que ce fût, car en tout, il agit pour l’utilité de tous. Et cela je te le demandai non pas une fois, ni deux, mais souvent et avec insistance, — puis, je cessai, persuadé que pour ce qui est d’exhorter à l’exercice de la vertu, tu le fais le mieux du monde, mais de deux choses l’une, ou tu ne peux que cela et rien de plus, — comme cela se produirait pour tout autre art : par exemple, csans être pilote, on peut s’exercer à faire l’éloge de ce métier pour montrer le cas que doivent en faire les hommes, et ainsi des autres arts[1]. Peut-être faudrait-il t’appliquer la même critique au sujet de la justice en disant que tu ne la connais pas mieux pour la louanger si bien. — À mon avis ce n’est pas cela. Donc, de deux choses l’une : ou tu ne sais pas, ou tu ne veux pas me communiquer ta science. Voilà pourquoi j’irai sans doute chez Thrasymaque, et ailleurs, là où je pourrai, dans mon embarras. dPourtant, si tu veux cesser de m’adresser tes exhortations, fais comme si, par exemple, pour la gymnastique, après m’avoir exhorté à ne pas négliger le corps, tu ajoutais à ta belle exhortation comment il faut traiter mon corps, étant donné sa nature. Agis à présent de même. Admets que Clitophon reconnaît combien il est ridicule de se préoccuper des autres choses, et de négliger l’âme, pour laquelle nous

    rapport avec l’amitié, et réfute aussi la thèse qui assimile l’union des pensées à un accord d’opinions : Φιλικὸν δὲ καὶ ἡ ὁμόνοια φαίνεται. διόπερ οὐκ ἐστιν ὁμοδοξία. (Éth. Nicom., Ι, 6, 1167 a, 22 et suiv.).

  1. Les sophistes et les rhéteurs cultivaient ce genre de composition, et ils aimaient à rédiger sur toute sorte de sujets des ἐγκώμια dont un grand nombre étaient de purs jeux d’esprit (des παίγνια). Gorgias a écrit ainsi divers Éloges dont plusieurs nous ont été en partie conservés. Platon raille fréquemment l’engouement de ses contemporains pour une mode littéraire qui prête aux développements