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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/68

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146 d
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SECOND ALCIBIADE

cœur d’agir comme ils savent ou croient savoir, et ce faisant, ils y auront le plus souvent plus de perte que de profit.

Alcibiade. — C’est la pure vérité.

Socrate. — Eh bien ! quand j’affirmais que la possession des autres sciences, esans la science du Bien, risquait d’être rarement utile et nuisait, au contraire, la plupart du temps, à celui qui les possédait, n’avais-je pas raison, en réalité, de parler ainsi ?

Alcibiade. — À présent, au moins, j’en suis convaincu, Socrate.


Érudition
et
Science du Bien.

Socrate. — Il faut donc qu’une cité ou une âme qui veut vivre d'une façon droite, s’attache à cette science, absolument comme le malade s’attache au médecin, ou le passager au pilote s’il veut naviguer en sécurité. Sans elle, en effet, 147de plus belle brise vous poussera le sort vers la conquête des richesses ou de la vigueur corporelle ou de quoi que ce soit de semblable, plus lourdes seront les fautes qui nécessairement s’ensuivront, selon toute apparence. Posséder ce que l’on appelle l’érudition et la « polytechnie », mais se trouver dépourvu de la science dont nous parlons et se laisser conduire tour à tour par chacune des autres, n’est-ce pas être vraiment le jouet d’une violente tempête, et, livré à la mer sans pilote, je doute qu’on puisse fournir une longue carrière[1]. bAussi est-ce le cas, me semble-t-il, d’appliquer ici le mot du poète qui blâmait quelqu’un en ces termes : « il savait certes beaucoup de choses », mais, ajoutait-il, « il les savait toutes mal »[2].

Alcibiade. — Que vient donc faire ce mot du poète,

  1. Cf. Lois VII, 819 a, texte signalé dans la Notice, p. 18. Platon y développe une idée analogue au sujet de l’érudition indigeste. Mieux vaut ne pas savoir que de savoir mal : μᾶλλον δ’ ἔτι δέδοικα τοὺς ἡμμένους μὲν αὐτῶν τούτων τῶν μαθημάτων κακῶς δ’ ἡμμένους. Le philosophe avait acquiescé à la pensée du poète cité plus bas, si on la comprend littéralement. L’auteur d’Alcibiade II va l’entendre dans un sens moral.
  2. Ce poète est Homère et les vers cités proviennent d’un poème héroï-comique, Margitès, dont peu de fragments nous ont été conservés par le pseudo-Platon, par Aristote, par Clément d’Alexandrie et par une scholie d’Aristophane (Cf. Homeri Carmina, Didot, p. 580). Margitès, personnage principal est le type de l’extravagant