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Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/116

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TROISIÈME ENNÉADE.

mérite, et il remplit ainsi la tâche d’un bon juge ; il élève le bon acteur en dignité et le fait jouer, s’il le peut, dans de plus belles pièces, tandis qu’il relègue le mauvais acteur dans des pièces inférieures[1]. De même, l’âme qui figure dans le drame dont le monde est le théâtre, et qui y a pris un rôle, apporte avec elle une disposition à y jouer bien ou mal. À son arrivée elle est classée avec les autres acteurs, et, après avoir été partagée pour tous les biens de la fortune sans égard pour sa personne ni pour ses actes, elle est ensuite punie ou récompensée. De pareils acteurs ont quelque chose de plus que des acteurs ordinaires : ils paraissent sur une scène plus grande ; le Créateur de l’univers leur donne de la puissance et leur accorde la liberté de choisir entre un plus grand nombre de places. Les peines et les récompenses sont déterminées de telle sorte que les âmes courent elles-mêmes au-devant, parce que chacune a une place conforme à son caractère et est ainsi en harmonie avec la Raison de l’univers[2].

Chaque individu a donc, selon la justice, la place qui mérite, comme chaque corde de la lyre est fixée au lieu que


    déjà cité ci-dessus (p. 50, note 1) le passage de Chrysippe auquel Marc-Aurèle fait ici allusion.

  1. Proclus a reproduit cette comparaison dans son traité De Providentia, § 9 (t. I, p. 172) : « Etenim in vitis nostris, dramati quidem proportionalis tota generis periodus ; factori autem dramatis hujus, factum ; iis autem qui ad drama faciunt, animæ, sæpe quidem aliæ et aliæ, sæpe autem eædem adimplentes fatalem hunc funem : sicut ibi iidem hypocritæ, id est qui sub larvis flunt, quandoque quidem Tiresiæ, quandoque autem Œdipodis dicentes verba. Præmiat autem Providentia animas, et honorat alias, alias et deshonorat propter similitudinem vitæ, et ipsas propter ipsas in aliis vitis propter identitatem latentem, aspicientes infatatam præparationem permutatam entem. »
  2. Voy. Enn. IV, liv. III, § 24. Leibnitz a reproduit cette pensée dans sa Monadologie, § 89. Voy. les Éclaircissements du tome 1, p. 473.