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Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/164

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TROISIÈME ENNÉADE.


quelle matière sont-ils formés ? Cette matière n’est pas corporelle, sans quoi ils seraient des animaux sensibles. En effet, s’ils ont des corps aériens ou ignés[1], ils doivent cependant avoir eu une nature primitivement différente [de l’intelligence pure] pour être arrivés ainsi à s’unir chacun à un corps : car ce qui est tout à fait pur ne saurait s’unir immédiatement à un corps, quoique beaucoup de philosophes pensent que l’essence de tout démon, en tant que démon, est unie à un corps aérien ou igné. Mais pourquoi l’essence de tout démon est-elle unie à un corps, tandis que l’essence de tout dieu est pure, s’il n’y a dans le premier cas une cause qui produise le mélange ? Quelle est donc cette cause ? Il faut admettre qu’il existe une matière intelligible[2], afin que ce qui y participe vienne par son moyen s’unir à la matière sensible.

VII. Platon, racontant la naissance de l’Amour[3], dit que Poros, s’enivra de nectar (car il n’y avait pas encore de vin, ce qui implique que l’Amour naquit avant le monde sensible). Par suite, Penia, la mère de l’Amour, a dû participer à la nature intelligible elle-même, et non à une simple image de la nature intelligible : elle s’est donc approchée de l’essence intelligible et elle s’est ainsi trouvée mélangée de forme et d’indétermination[4]. L’âme, en effet, ayant en elle-même une certaine indétermination avant d’atteindre le Bien, mais pressentant qu’il existe, s’en forme une image confuse et indéterminée, qui devient la substance même de l’amour. Ainsi, comme ici la raison s’unit à l’irraisonnable, à un désir indéterminé, à une substance affaiblie, ce qui en naît n’est ni parfait ni complet : c’est une chose indigente, parce qu’elle naît d’un désir indéterminé et d’une raison complète. Quant à la raison ainsi engendrée

  1. Voy. t. I, p. 153, note 3.
  2. Voy. t. I, p. 197-198.
  3. Voy. ci-dessus, p. 111, note 2.
  4. Cette indétermination constitue la matière intelligible (t. I, p. 197).