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Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/370

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QUATRIÈME ENNÉADE.


XXVII. À quelle âme appartient la mémoire ? Est-ce à l’âme qui a une nature plus divine et qui nous constitue essentiellement ? Est-ce à l’âme que nous recevons de l’Âme universelle[1] ?

La mémoire appartient à l’une et à l’autre ; mais, dans un cas, elle est particulière, et dans l’autre, générale. Si les deux âmes sont réunies, elles possèdent ensemble les deux espèces de mémoire ; si elles existent et demeurent toutes deux séparées, elles se rappellent chacune plus longtemps ce qui la concerne elle-même, moins longtemps ce qui concerne l’autre. C’est pour cela que l’on dit que l’image d’Hercule est aux enfers[2]. Or, nous devons admettre que cette image se rappelle toutes les actions faites en cette vie : car c’est à elle que cette vie appartient spécialement. Quant aux autres âmes qui [réunissant en elles la partie raisonnable à la partie irraisonnable] possèdent ensemble les deux espèces de mémoire, elles ne

    analogues : « Oblivionem quidem omnes [animæ] descendendo hauriunt ; aliæ vero magis, minus aliæ… Hinc est quæ apud Latinos lectio, apud Græcos vocatur repetita cognitio, quia, quum vera discimus, ea recognoscimus quæ naturaliter noveramus, priusquam materialis influxio in corpus venientes animas ebriaret : hæc est autem hyle, quæ omne corpus mundi, quod ubicunque cernimus, ideis impressa formavit ; sed altissima et purissima pars ejus, qua vel sustentantur divina vel constant, nectar vocatur et creditur esse potus deorum ; inferior vero et turbidior, potus animarum ; et hoc est quod veteres Lethœum fluvium vocaverunt. » Proclus, dans son Commentaire sur le Cratyle de Platon (§ 178, p. 111, éd. Boissonade), cite ce passage de Plotin en ces termes : ἄγει γὰρ ἡ μνήμη πρὸς τὸ μνημονευτὸν, φησὶ Πλωτῖνος, ϰαὶ ὥσπερ ἡ Μνημοσύνη τὴν μνήμην τῶν νοητῶν ἀνεγείρει, οὕτω ϰαὶ ἡ Λητὼ τὴν λήθην δωρεῖται τῶν ἐνύλων.

  1. La première est l’âme raisonnable (t. I, p. 44, 47, 324, 328) ; la seconde, l’âme irraisonnable (t. I, p. 45, 475-478).
  2. Plotin veut dire que l’âme irraisonnable, image de l’âme raisonnable, est plongée dans l’obscurité de la vie sensible. Sur l’image d’Hercule, Voy. le tome I, p. 50, et ci-après § 32, p. 329.