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Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/386

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QUATRIÈME ENNÉADE.

n’est qu’au second degré les choses autres qu’elle-même, elle n’est nulle d’elles parfaitement. Placée et établie aux confins du monde sensible et du monde intelligible, elle peut se porter également vers l’un ou vers l’autre.

IV. Dans le monde intelligible, l’âme voit le Bien par l’intelligence : car l’intelligence ne l’empêche pas de parvenir jusqu’au Bien. Entre l’âme et le Bien, l’intermédiaire n’est pas le corps, qui ne pourrait être qu’un obstacle : car si les corps peuvent jamais servir d’intermédiaires, ce n’est que lorsqu’il s’agit de descendre des premiers principes aux choses qui occupent le troisième rang[1]. Quand l’âme s’occupe des objets inférieurs, elle possède conformément à sa mémoire et à son imagination ce qu’elle voulait posséder. Aussi la mémoire, s’appliquât-elle aux meilleures choses, n’est cependant pas ce qu’il y a de meilleur : car elle ne consiste pas seulement à sentir qu’on se souvient, mais encore à se trouver dans une disposition conforme aux affections, aux intuitions antérieures dont on se souvient. Or, il peut arriver que l’âme possède une chose sans en avoir conscience, qu’elle la possède même alors mieux que si elle en avait conscience : en effet, quand elle en a conscience, elle la possède comme une chose qui lui est étrangère, et dont elle se distingue ; quand au contraire elle n’en a pas conscience, elle est ce qu’elle possède, et c’est surtout cette dernière disposition qui la fait déchoir [en la rendant conforme aux choses sensibles, quand elle y applique son imagination].

Si l’âme, en quittant le monde intelligible, en emporte avec elle des souvenirs, c’est que dans ce monde elle possédait déjà la mémoire à certain degré ; mais cette puissance y était éclipsée par la pensée des choses intelligibles. Il serait absurde de prétendre que ces dernières se trouvaient dans

  1. M. Kirchhoff suppose qu’il y a une lacune dans cette phrase obscure.