Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
674
ÉNÉE DE GAZA.


faire là-haut avec ce Dieu le tour de l’univers, d’être subordonnée à ce Dieu et de lui obéir ; c’est pourquoi elle descend ici-bas par le désir d’y trouver le repos et l’espoir de commander[1]. Empédocle nous effraie en proclamant que c’est une loi pour les âmes qui ont péché de tomber ici-bas ; grâce à sa sagesse, il fait végéter dans une plante l’âme dont l’essence est de se mouvoir toujours et de se mouvoir par soi-même. Voici comment s’exprime Empédocle (car je me rappelle à propos ses vers) :

J’ai déjà été jeune fille, jeune homme,
Arbrisseau et oiseau.

Il dévoile ainsi un peu la doctrine que Pythagore enseignait par des symboles. Platon, notre premier maître à tous, dit beaucoup de choses fort belles sur la nature de l’âme et sur ses migrations, mais il n’est point partout d’accord avec lui-même. Dans le Phédon, Socrate, témoignant son mépris pour le monde sensible et blâmant le commerce de l’âme avec le corps, se plaint que l’âme soit enchaînée dans le corps, qu’elle s’y trouve ensevelie comme dans un tombeau[2], et cite avec éloge cette maxime enseignée dans les mystères que nous sommes ici-bas comme dans une prison[3]. Empédocle regarde cet univers comme un antre[4]. Quant à Platon, il emploie une autre expression : dans la République, il nomme ce même univers une caverne ; il dit que, pour l’âme, sortir d’ici-bas, c’est briser ses chaînes et fuir de la caverne[5]. Ailleurs, dans le Phèdre, Socrate dit que les âmes descendent ici-bas parce qu’elles ont perdu leurs ailes ; que l’âme qui a perdu ses ailes devient pesante et tombe jusqu’à ce qu’elle s’arrête dans un corps auquel elle s’attache ; que, lorsque le mauvais coursier penche, l’âme ne peut demeurer là-haut et conduire convenablement son char : c’est pour cela qu’elle vient ici-bas ; que, lorsqu’elle est remontée là-haut, les périodes [de l’univers] la ramènent encore ici-bas et la soumettent à un jugement ainsi qu’à une expiation, qu’elle est entraînée enfin par les sorts, les conditions et la nécessité[6]. Après avoir ainsi blâmé partout la descente de l’âme, Platon tient un autre langage

  1. Voy., ci-dessus p. 649, note 5.
  2. Voy. Platon, Cratyle, p. 400.
  3. Voy. Platon, Phédon, p, 62.
  4. Les Pythagoriciens, et après eux Platon, ont appelé le monde un antre et une caverne. Dans Empédocle, les puissances qui guident les âmes disent : Nous sommes arrivées dans cet antre obscur. » (Porphyre, De l’Antre des Nymphes, § 8.)
  5. Voy. Platon, République, liv. VII, p. 514.
  6. Voy. Platon, Phèdre, p. 246.