Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
TROISIÈME ENNÉADE.

belles[1]. Les âmes, en passant par divers corps, changent elles-mêmes en prenant telle ou telle forme [en vertu de leur disposition][2] ; mais, quand elles le peuvent, elles se tiennent en dehors de la génération, unies à l’Âme universelle. Les corps sont vivants par leur forme et par le tout que chacun d’eux constitue [par son union avec une âme], puisque ce sont des animaux et qu’ils se nourrissent : car la vie est mobile dans le monde sensible, immobile dans le monde intelligible. Il fallait que l’immobilité engendrât le mouvement, que la vie qui se renferme en elle-même produisit une autre vie, que l’être calme projetât une sorte de souffle mobile et agité.

Si les animaux s’attaquent et se détruisent mutuellement, c’est une chose nécessaire, parce qu’ils ne sont pas nés éternels. Ils sont nés parce que la Raison a embrassé toute la matière, et qu’elle possédait en elle-même toutes les choses qui subsistent dans le monde intelligible. D’où seraient-elles venues, sans cela ?

Les torts que se font mutuellement les hommes peuvent avoir pour cause le désir du Bien[3]. Mais, égarés par l’impuissance où ils se trouvent de l’atteindre, ils se tournent les uns contre les autres. Ils en sont punis par la dépravation qu’introduisent dans leurs âmes de méchantes actions, et après leur mort ils sont envoyés dans un lieu inférieur : car on ne peut se soustraire à l’ordre établi par la Loi de l’univers[4]. L’ordre

  1. Voy. t. I, p. 143.
  2. Voy. Enn. IV, liv. III, § 12 : « L’âme entre dans le corps qui est préparé pour la recevoir, et qui est tel ou tel, selon la nature à laquelle l’âme est devenue semblable par sa disposition. » Ce principe est emprunté au Timée de Platon. Voy. le passage de ce dialogue cité dans les Éclaircissements du tome I, p. 469.
  3. Cette pensée paraît empruntée à Démocrite : ἀνθρώπινα ϰαϰὰ ἐξ ἀγαθῶν φύεται, ἐπήν τις τἀγαθὰ μὴ ἐπίστηται ποδηγετεύειν μηδὲ ὀχέειν εὐπόπως. (Stobée, Eclogœ ethicœ, II, 7.) Elle a été reproduite par Salluste (De Diis et Mundo, xii) et Proclus (Commentaire sur le Timée, p.115). Voy. aussi S. Denys l’Aréopagite, Des Noms divins, chap. iv, § 20.
  4. La Loi de l’univers est la loi d’Adrastée. Voy. ci-après, § 13, p. 52.