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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/101

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CINQUIÈME ENNÉADE.


premier et l’Intelligence première, qui possède les réalités ou plutôt qui leur est identique. — Mais, si l’objet pensé et la pensée ne font qu’une seule chose, comment le sujet pensant pourra-t-il de cette manière se penser lui-même ? On voit bien que la pensée embrassera l’intelligible, ou qu’elle lui sera identique ; mais on ne voit pas comment l’intelligence se pensera elle-même. — Le voici : la pensée (νόησις (noêsis)) et l’intelligible (τὸ νοητὸν (to noêton)) ne font qu’un, parce que l’intelligible est un acte et non une simple puissance, que la vie ne lui est ni étrangère ni adventice, que la pensée n’est pas un accident pour lui comme elle le serait pour un corps brut, pour une pierre, par exemple, qu’enfin l’intelligible est l’essence première. Or, si l’intelligible est un acte, c’est l’acte premier, la pensée la plus parfaite, la pensée substantielle (οὐσιώδης νόησις). Et, comme cette pensée est souverainement vraie, qu’elle est la pensée première, qu’elle possède l’existence au plus haut degré, elle est l’Intelligence première. Elle n’est donc pas l’Intelligence en puissance ; il n’y a pas à distinguer en elle la puissance et l’acte de la pensée ; sinon, son essence ne serait qu’une simple puissance. Or, puisque l’intelligence est un acte, et que son essence est un acte, elle doit ne faire qu’une seule et même chose avec son acte. Mais l’être et l’intelligible ne font aussi qu’une seule et même chose avec leur acte. Donc l’intelligence, l’intelligible et la pensée ne feront ensemble qu’une seule chose. Puisque la pensée de l’intelligible est l’intelligible, et que l’intelligible est l’intelligence, l’intelligence se pensera ainsi elle-même. L’intelligence pensera, par l’acte de la pensée à laquelle elle est identique, l’intelligible auquel elle est également identique. Elle se pensera elle-même, en tant qu’elle est la pensée, et en tant qu’elle est l’intelligible qu’elle pense par la pensée à laquelle elle est identique[1].

  1. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § xxxii ; dans notre tome I, p. lxxi.