Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
CINQUIÈME ENNÉADE.


S’ils sont intelligents, ils ne font, ainsi que la vérité, qu’une seule chose avec l’intelligence, et cette chose est l’intelligence première. Dans ce cas, nous aurons à chercher dans quel rapport sont l’intelligence, l’intelligible et la vérité. N’y a-t-il là qu’une seule chose ? Y a-t-il deux choses ? Si les intelligibles sont sans vie, sans intelligence, que sont-ils ? Car ils ne sont ni des propositions, ni des axiomes, ni des mots, parce que, dans ce cas, ils énonceraient des choses différentes d’eux, ils ne seraient pas les choses mêmes ; ainsi, quand on dit que le bien est beau, ces deux choses seraient étrangères l’une à l’autre. Avancera-t-on que les intelligibles, que la beauté et la justice, par exemple, sont des choses simples, mais complètement séparées l’une de l’autre ? D’abord, l’intelligible ne sera plus un, ne résidera plus en un sujet un ; il sera dispersé en une foule de choses particulières : alors, en quels lieux seront ainsi éparpillés les éléments divers de l’intelligible ? Ensuite, comment l’intelligence pourra-t-elle embrasser ces éléments et les suivre dans leurs pérégrinations ? Comment restera-t-elle permanente, et se fixera-t-elle sur des objets identiques ? Quelle forme d’ailleurs, quelle figure auront les intelligibles ? Seront-ils comme des statues d’or ou des effigies et des images faites avec quelque autre matière ? Dans ce cas, l’intelligence qui les contemplera ne différera pas de la sensation. Pourquoi l’un d’eux sera-t-il la justice, un autre une autre chose ? Enfin, ce qui est le plus important, si l’on admet que les intelligibles soient extérieurs à l’intelligence, il en résultera nécessairement que, contemplant des objets ainsi placés hors d’elle, l’intelligence n’en possédera pas une véritable connaissance, qu’elle n’en aura qu’une fausse intuition. Puisque, dans cette hypothèse, les vraies réalités demeureront extérieures à l’intelligence, celle-ci, en les contemplant, ne les possédera pas ; en les connaissant, elle ne saisira que leurs images. Réduite ainsi à ne percevoir que des images de la vérité, au lieu de pos-