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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/145

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CINQUIÈME ENNÉADE.


de la beauté seule qui l’élève et la remplit de vigueur. Alors l’intelligence sent qu’elle est plus belle et plus brillante, parce qu’elle approche du Premier. Celui-ci ne vient pas, comme on pourrait le croire ; il vient sans venir dans le sens propre du mot[1] : il apparaît sans venir d’aucun lieu, parce qu’il est déjà présent au-dessus de toutes choses avant que l’intelligence s’approche de lui. C’est en effet l’intelligence qui s’approche et qui s’éloigne du Premier ; elle s’en éloigne quand elle ne sait pas où elle doit se tenir ni où se tient le Premier. Le Premier ne se tient nulle part, et, si l’intelligence pouvait aussi ne se tenir nulle part (je ne veux pas dire en aucun lieu : car elle est elle-même hors de tout lieu ; j’entends n’être absolument nulle part), elle apercevrait toujours le Premier ; ou plutôt, elle ne l’apercevrait pas, elle serait en lui, ne ferait qu’un avec lui. Maintenant, l’intelligence, par cela même qu’elle est intelligence, n’aperçoit le Premier que quand elle l’aperçoit par cette partie d’elle-même qui n’est pas intelligence [qui est supérieure à l’intelligence]. Sans doute, il semble étonnant que l’Un puisse nous être présent sans s’approcher de nous, et, tout en n’étant nulle part, être partout. Cet étonnement est fondé sur la faiblesse de notre nature ; mais l’homme qui connaît le Premier s’étonnerait bien plus que les choses fussent autrement. Et en effet, elles ne peuvent être autrement. Qu’on s’en

  1. Le P. Thomassin cite ce passage en ces termes : « Deficit tamen visibilis oculi solis lucisque ad intelligibilem comparatio ; ut enim oculus luci debeat quod per ipsam et illuminata a Sole et illuminantem Solem videat, non tamen quod seipsum videat. At vero mens non tantum quod intelligibilia et ipsum intelligibilium fontein, sed etiam quod seipsum videat, intelligibili debet luci superne sibi allucenti. Lucie enim illius gratia et ubertate ita imbuitur, adeo inebriatur, ut jam secernere se non possit, et nec illam jam sine seipsa, nec seipsam sine illa intelligere. » (Dogmata theologica, t. I, p. 325. Voy. aussi ibid., p. 339.)