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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/152

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LIVRE CINQUIÈME.


engendrées : car c’est lui qui leur a donné tout ce qui se trouve en elles ; il n’avait pas d’ailleurs besoin d’engendrer ; il est encore tel qu’il était auparavant ; rien ne serait changé pour lui s’il n’avait pas engendré ; s’il eût été possible que d’autres choses reçussent l’existence, il ne la leur aurait pas refusée par jalousie. Maintenant il n’est plus possible que rien soit engendré. Dieu a engendré tout ce qu’il pouvait engendrer. Il n’est point d’ailleurs l’universalité des choses ; il aurait ainsi besoin d’elles. Elevé au-dessus de toutes, il a pu les engendrer et leur permettre d’exister pour elles-mêmes en les dominant toutes.

XIII. Étant le Bien même, et non simplement une chose bonne, Dieu ne saurait posséder aucune chose, pas même la qualité d’être bon. S’il possédait quelque chose, cette chose ou serait bonne ou ne le serait pas ; or il ne peut y avoir rien qui ne soit bon dans le principe qui est le Bien par excellence et au premier degré ; d’un autre côté, on ne saurait dire que le Bien possède la qualité d’être bon. S’il ne peut posséder ni la qualité d’être bon ni celle de n’être pas bon, il en résulte qu’il ne doit rien posséder, par conséquent, qu’il est unique et isolé de tout le reste. Comme toutes les autres choses ou sont bonnes sans être le Bien, ou ne sont pas bonnes, que le Bien n’a ni la qualité d’être bon, ni celle de n’être pas bon, il n’a rien[1], et c’est par cela même qu’il est le Bien. Si on lui attribue quelque chose, l’essence, l’intelligence, la beauté, on lui ôte aussitôt le privilége d’être le Bien. Donc, quand on lui

  1. On trouve la même doctrine dans Maïmonide : « Dieu, le Très-Haut, est l’être nécessaire, dans lequel il n’y a pas de composition. Nous ne saisissons de lui autre chose, si ce n’est qu’il est, mais non pas ce qu’il est. On ne saurait donc admettre qu’il ait un attribut affirmatif : car il n’a pas d’être en dehors de sa quiddité, de manière que l’attribut puisse indiquer l’une des deux choses ; à plus forte raison sa quiddité ne peut-elle être composée, de manière que l’attribut puisse indiquer ses deux parties ;