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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/159

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CINQUIÈME ENNÉADE.


que cette unité qui est jointe à une autre chose soit l’unité même. L’unité même doit exister en soi antérieurement à cette unité qui est jointe à une autre chose ; par la même raison, l’unité jointe à une autre chose présuppose l’unité absolument simple, laquelle subsiste en elle-même et n’a rien de ce qui se trouve dans l’unité jointe aux autres choses. Comment une chose pourrait-elle subsister dans une autre, si le principe dont dérive cette autre chose n’avait une existence indépendante et antérieure au reste ? Ce qui est simple ne peut rien tenir d’autrui ; mais ce qui est multiple, ou qui implique du moins dualité, dépend d’autrui. On peut comparer le Bien à la lumière, l’Intelligence au soleil, et l’Âme à la lune qui reçoit sa lumière du soleil[1]. L’Âme n’a qu’une intelligence d’emprunt qui, en la colorant de sa lumière, la rend intellectuelle. L’Intelligence au contraire possède en elle-même sa propre lumière ; elle n’est pas seulement la lumière, elle est encore ce qui est lumineux par essence. Le principe qui donne la lumière à l’Intelligence et qui n’est rien que lumière est la lumière absolument simple et donne à l’Intelligence la puissance d’être ce qu’elle est[2]. Comment pourrait-il avoir besoin de quelque chose ? Π n’est pas semblable à ce qui subsiste en autrui : car ce qui subsiste en soi-même est fort différent de ce qui subsiste en autrui.

V. Ce qui est multiple a besoin de se chercher lui-même et désire naturellement s’embrasser et se saisir lui-même par la conscience. Mais comment ce qui est absolument un pourrait-il se replier sur lui-même et avoir besoin de conscience ? Le principe absolument identique est supérieur à la conscience et à la pensée. L’Intelligence n’est pas le Premier ; elle ne l’est ni par son essence ni par la majesté

  1. Ce passage est commenté par saint Augustin dans la Cité de Dieu, liv. X, chap. III. Voy. les Éclaircissements du tome II, p. 558.
  2. Voy. ci-dessus liv. V, § 8, p. 83.