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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/161

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CINQUIÈME ENNÉADE.


autre qu’eux-mêmes, du moins le premier Acte auquel tous les autres actes se rapportent doit être simplement ce qu’il est. Cet Acte n’est pas la pensée ; il n’a rien à penser, étant le Premier. D’ailleurs, ce qui pense n’est pas la pensée, mais ce qui possède la pensée : il y a ainsi dualité dans ce qui pense ; or il n’y a pas de dualité dans le Premier.

On le voit avec plus d’évidence encore si l’on considère comment cette double nature se montre dans tout ce qui pense à un degré supérieur. Nous disons que les essences considérées comme essences, que toutes les choses qui sont par elles-mêmes et qui possèdent la véritable existence ont pour lieu le monde intelligible, non-seulement parce qu’elles demeurent toujours les mêmes tandis que les choses sensibles sont dans un écoulement et un changement perpétuel[1] (bien qu’il y ait aussi des choses sensibles qui demeurent les mêmes[2]), mais plutôt parce qu’elles possèdent par elles-mêmes la perfection de leur existence. L’Essence première doit avoir une existence qui ne soit pas l’ombre de l’existence, mais qui soit l’existence complète. Or l’existence est complète quand elle a pour forme la pensée et la vie. L’Essence première contiendra donc à la fois la pensée, l’existence et la vie. Ainsi l’existence de l’Être implique celle de l’Intelligence ; et celle de l’Intelligence, celle de l’Être, en sorte que la pensée est inséparable de l’existence, et qu’elle est multiple au lieu d’être une. Ce qui n’est pas multiple [l’Un] ne doit donc pas penser. Dans le monde intelligible, on trouve l’homme et la pensée de l’homme, le cheval et la pensée du cheval, le juste et la pensée du juste ; chaque chose y est dualité ; l’unité y est dualité, et la dualité y passe à l’unité. Le Premier n’est ni toutes les choses qui impliquent dualité, ni aucune d’elles ; il n’y a en lui aucune dualité.

  1. Voy. t. I, p. 145, note 1.
  2. Ce sont les astres. Voy. Enn. II, liv. I, § 1 ; t. I, p. 143.