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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/164

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LIVRE SEPTIÈME.


tiendra non-seulement les raisons séminales des hommes, mais encore celles de tous les animaux, le nombre de ces raisons sera infini, à moins que le monde ne recommence la même série d’existences par des périodes fixes : car, le seul moyen de borner l’infinité des raisons, c’est que les mêmes choses se reproduisent.

Mais, dira-t-on, si les choses produites peuvent être plus nombreuses que leur type (παράδειγμα (paradeigma)), quelle nécessité y a-t-il qu’il y ait des raisons et des types de tous les individus engendrés pendant une période ? Il semble qu’il suffise de l’homme même pour expliquer l’existence de tous les hommes, et que des âmes d’un nombre fini puissent animer successivement des hommes d’un nombre infini. — Non : il est impossible que des choses différentes aient une même raison [séminale]. Il ne suffit pas de l’homme même pour être le modèle d’hommes qui diffèrent les uns des autres non-seulement par la matière, mais encore par des différences spécifiques (εἰδιϰαῖς διαφοραῖς (eidikais diaphorais)). Ils ne peuvent être comparés aux images de Socrate qui reproduisent leur modèle (ἀρχέτυπον (archetupon)). La production des différences individuelles ne peut provenir que de la différence des raisons [séminales]. La période tout entière comprend toutes les raisons[1]. Quand elle recommence, les mêmes choses renaissent par les mêmes raisons. Il ne faut pas craindre qu’il y en ait

  1. Plotin semble s’inspirer ici de Platon : « Nous convenons donc que la vie ne naît pas moins de la mort que la mort de la vie, preuve satisfaisante que l’âme, après la mort, existe quelque part, d’où elle revient à la vie... S’il n’y avait pas deux opérations correspondantes et faisant un cercle, pour ainsi dire, et qu’il n’y eût qu’une seule opération, une production directe de l’un à l’autre contraire, sans aucun retour de ce dernier contraire au premier qui l’aurait produit, tu comprends bien que toute chose finirait par avoir la même figure, par tomber dans le même état, et que toute production cesserait. » (Phédon, trad. de M. Cousin, t. I, p. 217.) On sait que cette doctrine est combattue par Aristote, Métaphysique, liv. I, chap. 2.