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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/183

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CINQUIÈME ENNÉADE.


monde visible ? C’est donc à tort qu’on critique ce monde ; tout ce qu’on a le droit d’en dire, c’est qu’il est inférieur à son modèle[1].

IX. Supposez par la pensée que dans le monde sensible chaque être demeure ce qu’il est, en se confondant avec les autres dans l’unité du tout autant qu’il en est capable, en sorte que tout ce qui frappe nos regards se perde dans cette unité. Imaginez une sphère transparente placée en dehors du spectateur et dans laquelle on puisse, en y plongeant le regard, voir tout ce qu’elle renferme, d’abord le soleil et les autres étoiles ensemble, puis la mer, la terre, et tous les animaux. Au moment où vous vous représentez ainsi par la pensée une sphère transparente qui renferme toutes les choses qui sont en mouvement ou en repos, ou tantôt en mouvement, tantôt en repos ; tout en conservant la forme de cette sphère, supprimez-en la masse, supprimez-en l’étendue, écartez-en toute notion de matière, sans cependant concevoir cette sphère plus petite[2] : invoquez alors le Dieu qui a fait ce monde dont vous venez de vous former une image, et suppliez-le d’y descendre. Ce Dieu un et multiple tout ensemble viendra pour orner ce monde avec tous les dieux qui sont en lui, dont chacun contient en soi tous les autres, qui sont multiples par leurs puissances, et ne forment cependant qu’un seul Dieu parce que leurs puissances multiples sont renfermées dans l’unité, ou plutôt parce qu’un Dieu unique embrasse en son sein tous les dieux[3] ?

  1. Il s’agit ici des Gnostiques. Voy. Enn. II, liv. IX, § 17 ; t. I, p. 305-308.
  2. Voy. la même image dans l’Ennéade II, liv. IX, § 17 ; t. I, p. 305-306.
  3. « Bref, quand presque tous les philosophes antérieurs à Jamblique admettent ainsi qu’il y a une multitude de dieux, ils affirment en même temps que le Dieu supérieur à l’essence est un, et que les dieux qui forment une multitude sont les essences vivifiées par les irradiations de l’Un. » (Damascius, Des Principes, 100, p. 314, éd. Kopp.)