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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/191

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CINQUIÈME ENNÉADE.


monde visible puisse périr et qu’il soit engendré comme si celui qui l’a créé avait délibéré pour le créer. Quel que soit en effet le mode de cette création, ces hommes[1] ne veulent pas concevoir et croire que, tant que le monde intelligible brille, les autres choses qui en procèdent ne sauraient périr, et qu’elles existent depuis que celui-là existe lui-même. Or, celui-là a été et sera toujours : car nous sommes obligés de nous servir de ces termes [malgré leur impropriété] pour exprimer notre pensée.

XIII. On représente Saturne toujours enchaîné, parce qu’il reste immobile dans son identité. On dit qu’il a abandonné à son fils Jupiter le gouvernement de l’univers, parce qu’il ne lui convenait pas, à lui qui possède la plénitude des biens, de renoncer au gouvernement du monde intelligible pour rechercher celui d’un empire plus jeune et moins relevé que lui-même. Ensuite, d’un côté, Saturne a fixé en lui-même son père [Cœlus] et s’est élevé jusqu’à lui ; d’un autre côté, il a également fixé les choses inférieures qui ont été engendrées par son fils Jupiter. Ainsi, il occupe entre eux deux un rang intermédiaire, entre son père qui est plus parfait et son fils qui l’est moins. D’un côté, il mutile son père en scindant l’unité primitive en deux éléments différents ; de l’autre, il s’élève au-dessus de l’être qui lui est inférieur, en se dégageant des chaînes qui tendraient à l’abaisser. Comme Cœlus, le père de Saturne, est trop grand pour qu’on lui attribue de la beauté, Saturne occupe le premier rang de la beauté. L’Âme universelle est belle aussi ; mais elle est moins belle que Saturne, parce qu’elle est son image, et que par conséquent, quelque belle qu’elle soit par sa nature, elle est plus belle encore quand elle regarde son principe. Donc, si l’Âme universelle, pour nous servir de termes plus clairs,

  1. Il s’agit ici des Gnostiques. Voy. Enn. I, liv. IX, § 2-3, 12 ; t. I, p. 262-265, 291.