Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
LIVRE NEUVIÈME.


monde, rien ne resterait permanent ; dans ce cas, la raison [séminale] de l’homme et toutes les autres raisons ne sauraient être éternelles, ni permanentes. Des considérations précédentes, auxquelles on pourrait en joindre beaucoup d’autres, il résulte qu’il est nécessaire d’admettre qu’au-dessus de l’Âme existe l’Intelligence.

V. L’Intelligence, pour prendre ce mot dans son vrai sens, n’est pas seulement en puissance, n’arrive pas à être intelligente après avoir été inintelligente (sinon, nous serions obligés de chercher encore un autre principe supérieur à elle) ; elle est en acte, elle est éternelle[1]. Si elle est intelligente par elle-même, elle pense par elle-même ce qu’elle pense, elle possède par elle-même ce qu’elle possède. Or, puisqu’elle pense d’elle-même et par elle-même, elle est elle-même ce qu’elle pense. Si autre chose était son essence, autre chose ce qu’elle pense, son essence serait inintelligente ; elle serait en puissance, non en acte. Il ne faut donc pas séparer la pensée de son objet, quoique les choses sensibles nous aient fait prendre l’habitude de concevoir même les choses intelligibles séparées les unes des autres.

Quel est donc le principe qui agit, qui pense, et quel est donc l’acte, quelle est la pensée de l’Intelligence, pour que nous admettions qu’elle est ce qu’elle pense ? Évidemment l’Intelligence, par cela même qu’elle est réellement, pense les êtres, et les fait exister ; elle est donc les êtres. En effet, il faut que les êtres existent ou hors d’elle, ou en elle, et, dans le second cas, qu’ils lui soient identiques. Qu’ils existent hors d’elle, c’est impossible : où seraient-ils ? Il faut donc qu’ils existent en elle, qu’ils lui soient identiques. Ils ne sauraient être dans les objets sensibles,

  1. Cette phrase est citée par Jean Philopon, Commentaire sur le Traité de l’Âme d’Aristote, III, fol. 7, Venise ; et par Syrianus, Commentaire sur la Métaphysique d’Aristote, II, 4, p. 29.