Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
LIVRE PREMIER.


XV. [Agir, Pâtir.] Agir (ποεῖν (poiein)) donne lieu aux réflexions suivantes.

Les Péripatéticiens disent qu’il faut placer après la substance les choses qui se rapportent à la substance, le nombre et la quantité, par exemple ; ainsi, ils font de la quantité un genre différent de la substance. La qualité se rapportant à la substance, ils en font aussi un genre distinct. C’est pourquoi, comme l’action se rapporte également à la substance, ils en font également un genre distinct. Faut-il donc regarder comme un genre l’agir ou plutôt l’action, d’où dérive agir, de même que l’on regarde comme un genre la qualité, d’où dérive la qualification ? Ou bien doit-on considérer ici comme une seule chose action (ποίησις (poiêsis)), agir (ποιεῖν (poiein)) et actif (ποιοῦν (poioun)), ou agir et action ? Agir exprime l’idée d’actif, tandis qu’action ne l’exprime pas. Agir signifie être en action (ἐν ηοίησει εἶναι τινι (ei poiêsei einai tini)), c’est-à-dire être en acte (ἐν ἐνεργείᾳ (en energeia)). Il résulte de là qu’on doit regarder comme une catégorie l’acte plutôt que l’action[1], puisque l’acte s’affirme de la substance, comme la qualité, ainsi que nous l’avons dit plus haut, et que l’acte se rapporte aussi à la substance, comme le mouvement ; or le mouvement (ϰίνησις (kinêsis)) constitue nécessairement un genre de l’être. Comment admettre en effet que la quantité, la qualité et la relation forment chacune un genre relatif à la substance, et refuser au mouvement, qui se rapporte également à la substance, le privilége de former aussi un genre de l’être[2] ?

XVI. Nous objectera-t-on que le mouvement est un acte imparfait[3] ? Rien n’empêche alors de donner le premier

  1. Sur la différence de l’acte et de l’action, Voy. p. 191, note 1.
  2. Pour la théorie que Plotin professe à ce sujet, Voy. ci-après liv. III, § 21-26.
  3. « Le mouvement est, ce semble, une actualité, mais une actualité imparfaite, et la cause en est que la puissance passant à l’acte est une puissance imparfaite, » (Aristote, Métaphysique, XI, 9 ; trad. de MM. Pierron et Zévort, t. II, p. 185.)