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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/256

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LIVRE PREMIER.


rieures ; au contraire, quand des choses sont comprises dans un seul et même genre, toutes doivent également leur être à ce genre, puisque le genre est ce qui est affirmé des espèces sous le rapport de l’essence (τὸ ἐν τῷ τί ἐστι τῶν εἰδῶν ϰατηγορούμενον (to en tô ti esti tôn eidôn katêgoroumenon)), ainsi que les Stoïciens le reconnaissent eux-mêmes en disant que toutes choses tiennent leur essence de la matière. — Ensuite, en ne comptant qu’une seule substance, ils n’énumèrent pas les êtres mêmes, mais ils cherchent les principes des êtres. Or, il y a une grande différence entre traiter des principes et traiter des êtres. Si les Stoïciens ne reconnaissent point d’autre être que la matière et pensent que les autres choses sont des modifications de la matière (πάθη τῆς ὕλης (pathê tês hulês)), ils ont tort de ramener à un seul genre l’être et les autres choses ; ils devraient plutôt dire que l’être est l’essence, que les autres choses sont des modifications, et diviser ensuite ces modifications. — Enfin, il est absurde d’avancer que, parmi les êtres, les uns sont les substances, et les autres les autres choses [les qualités, les modes, les relations], puisque les Stoïciens ne reconnaissent qu’une seule substance, laquelle ne contient aucune différence, à moins qu’on ne la divise comme une masse en parties ; encore les Stoïciens ne sauraient-ils diviser leur substance de cette manière, parce qu’ils enseignent qu’elle est continue. Ils devaient donc dire : la substance, et non : les substances.

XXVI. Ce qu’il y a de plus choquant dans cette doctrine, c’est que les Stoïciens assignent le premier rang à ce qui n’est qu’en puissance, à la matière, au lieu de placer l’acte avant la puissance[1]. Il est impossible que ce qui est en puissance passe à l’acte si ce qui est en puissance tient le premier rang parmi les êtres. En effet, ce qui est en puissance ne saurait jamais s’améliorer soi-même ; il faut

  1. Il faut rapprocher cette réfutation de celle qui se trouve dans l’Enn. IV, liv. VII, n° 14 ; t. II, p. 457-459.