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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/28

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CINQUIÈME ENNÉADE, LIVRE III.



LIVRE TROISIÈME.
DES HYPOSTASES QUI CONNAISSENT ET DU PRINCIPE SUPÉRIEUR.

(I) Pour se connaître et se penser soi-même, il faut être un principe simple, parce que la véritable connaissance de soi-même suppose l’identité du sujet pensant et de l’objet pensé.

(II-IV) Cette identité n’existe point dans la sensation, qui perçoit les modifications éprouvées par le corps. Elle n’existe pas non plus dans la raison discursive, qui s’exerce sur les images fournies par la sensation et sur les données de l’intelligence pure : car, dans le premier cas, la raison discursive connaît des choses qui lui sont étrangères ; dans le second cas, elle sait quelle est sa propre nature et quelles sont ses fonctions, mais elle ne possède pas la connaissance de soi-même comme la possède l’intelligence, partie principale de l’âme, elle forme une puissance moyenne, tantôt s’élevant vers l’intelligence dont elle reçoit ses règles, tantôt s’abaissant vers la sensibilité dont elle juge les données.

(V-VI) C’est dans l’intelligence seule que se trouve la véritable connaissance de soi-même. En pensant, elle se pense elle-même : car en elle le sujet pensant, l’objet pensé et la pensée sont une seule et même chose, savoir la pensée substantielle. La raison discursive ne se connaît elle-même que par l’intelligence (διά νοῦ (dia nou)), et c’est de là qu’elle tire son nom (διανοητιϰόν (dianoêtikon)). L’intelligence, au contraire, par sa conversion vers elle-même, connaît naturellement son existence et son essence : en contemplant les réalités, elle se contemple elle-même, et celle contemplation est l’acte qui la constitue.

(VII) Lorsque l’intelligence connaît Dieu, elle se connaît encore elle-même, parce qu’en connaissant Dieu elle connaît les puissances qui en procèdent, elle sait qu’elle en tient l’existence. Si elle n’a point de Dieu une intuition claire parce qu’elle ne lui est pas identique, du moins elle a une intuition claire d’elle-même, puisque dans l’intuition qu’elle a d’elle-même le sujet et l’objet sont identiques. C’est parce que l’intelligence est en elle-même un acte qu’elle communique à l’âme une puissance intellectuelle.

(VIII-IX) L’intelligence connaît à la fois sa propre nature et celle de l’intelligible, parce qu’en elle la chose qui contemple, celle qui est contemplée et la contemplation ne font qu’un. L’intelligence est donc sa propre lumière ; elle se voit par elle-même, tandis que l’âme ne se voit que par sa conversion vers l’intelligence dont elle reçoit sa puissance intellectuelle. Pour arriver à concevoir l’intelligence, il faut que l’âme s’élève successivement de la puissance végétative à la sensibilité, de la sensibilité à l’opinion, et de l’opinion à la pensée pure : car c’est par la pensée pure que l’âme est l’image de l’intelligence ; elle se connaît par son principe, tandis que l’intelligence se connaît par elle-même.

(X) Comme la pensée implique à la fois identité et différence, par conséquent