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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/287

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SIXIÈME ENNÉADE.
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Bien plus, en même temps elle est une ; c’est de là que dépend en elle le plus ou le moins d’unité. En effet, chaque être désire, non pas simplement exister, mais aussi jouir du bien. C’est pourquoi ce qui n’est pas un s’efforce autant qu’il se peut de le devenir, et les êtres qui par essence possèdent l’unité y tendent également par leur nature en voulant s’unir à eux-mêmes : car les êtres ne cherchent pas à s’écarter les uns des autres, mais ils tendent au contraire les uns vers les autres et vers eux-mêmes. C’est ainsi que toutes les âmes voudraient ne former qu’une seule âme, tout en conservant leur propre nature[1]. Partout, dans le monde sensible comme dans le monde intelligible, règne l’Un : c’est de lui que tout part, c’est vers lui que tout tend ; tous les êtres ont en lui leur principe et leur fin : car ce n’est qu’en lui qu’ils trouvent le bien ; ce n’est que par là que chaque être subsiste et occupe sa place dans l’univers ; une fois existant, chaque être ne saurait s’empêcher de tendre vers l’Un. Et cela n’a pas lieu seulement dans les êtres ; il en est de même dans les œuvres de l’art : chaque art cherche à conformer ses œuvres à l’unité autant qu’il se peut et autant que ses œuvres elles-mêmes le comportent. Mais ce qui y réussit le mieux, c’est l’Être même : car il est tout près de l’Un.

Il en résulte qu’en parlant des êtres autres que l’Être même, de l’homme, par exemple, nous disons simplement homme [sans y ajouter l’idée d’unité][2] ; si nous disons quelquefois un homme, c’est pour le distinguer de deux ; si nous employons encore dans un autre sens le mot un, c’est en y ajoutant quelque [quelqu’un][3]. Il n’en est pas de même pour l’Être : nous disons l’Être un en concevant l’Être et un comme formant un seul tout, et en posant l’Être

  1. Voy. ci-après le livre IV.
  2. Voy. le passage d’Aristote cité ci-dessus p. 220, note 2.
  3. Creuzer donne ἀπ’αὐτοῦ (ap’autou), ce qui n’offre aucun sens. Nous lisons avec Kirchhoff ἐπ’αὐτοῦ (ep’autou).