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SIXIÈME ENNÉADE.


ne reçoit ni ne possède la forme comme sa vie ou son acte propre, qu’au contraire la forme s’introduit du dehors en elle, au lieu d’appartenir à son essence. Remarquons en outre que, tandis que dans le monde intelligible la forme est essentiellement acte et mouvement, dans le monde sensible le mouvement est quelque chose d’étranger et d’accidentel ; loin d’être mouvement, la forme imprimée à la matière lui communique plutôt la stabilité et l’immobilité : car la forme détermine la matière qui est naturellement indéterminée ; dans le monde intelligible, l’identité et la différence s’entendent d’un seul et même être, à la fois identique et différent ; ici-bas, l’être n’est différent que relativement, par participation [à la différence] : car il est quelque chose d’identique et de différent, non par conséquence, comme là-haut, mais par sa nature. Quant à la stabilité, comment l’attribuer à la matière qui prend toutes les grandeurs, qui reçoit du dehors toutes ses formes, sans pouvoir jamais rien engendrer par elle-même au moyen de ces formes ? Il faut donc renoncer à cette division.

III. Quelle division adopterons-nous donc ? Il y a d’abord la matière, puis la forme, ensuite le composé qui résulte de leur ensemble, enfin les choses qui se rapportent aux trois précédentes et qui en sont affirmées, les unes simplement comme attributs, les autres en outre comme accidents ; et parmi les accidents, les uns sont contenus dans ces choses, les autres les contiennent ; les uns en sont des actions, les autres des passions ou des conséquences.

La matière est quelque chose de commun qui se trouve dans toutes les substances[1] : elle ne forme cependant pas un genre parce qu’elle n’admet pas de différences, à moins que ses différences ne consistent à avoir ici la forme du feu, et là,

  1. Sur cette définition de la matière, Voy. Enn. II, liv. IV, § 6 ; t. I, p. 201-203.