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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/32

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xxiii
CINQUIÈME ENNÉADE, LIVRES VI-VII.



LIVRE SIXIÈME.

LE PRINCIPE SUPÉRIEUR À L’ÊTRE NE PENSE PAS.
QUEL EST LE PREMIER PRINCIPE PENSANT ? QUEL EST LE SECOND ?

(I) Il y a deux principes pensants. Celui qui occupe le premier rang est l’Intelligence, parce qu’elle se pense elle-même. Celui qui occupe le second est l’Âme parce que, pensant un autre objet qu’elle-même, elle approche moins de l’identité du sujet pensant et de l’objet pensé. Quand l’Intelligence pense, elle passe de l’unité à la dualité, tandis que l’Âme, quand elle pense, passe de la dualité à l’unité.

(II) Au-dessus des deux principes qui pensent est le Premier principe qui ne pense pas, parce qu’il est la cause de la pensée ; et, comme il fait penser l’intelligence, il est par rapport à elle l’Intelligible suprême.

(III-IV) Le Premier principe ne doit pas penser pour plusieurs raisons. D’abord la multiplicité suppose l’unité parce qu’elle en provient ; or l’Intelligence est multiple, parce qu’elle pense ; donc le Premier principe, pour être un, doit ne pas penser. Ensuite, le Premier principe est le Bien, et le Bien doit être simple et se suffire à lui-même, par conséquent, ne pas avoir besoin de penser. L’Intelligence, loin d’être le Bien, en a seulement la forme. Quant à l’Âme, elle reçoit de l’Intelligence la lumière qui la rend intellectuelle.

(V-VI) Penser ne convient qu’au multiple, parce que celui-ci a besoin de se chercher et de s’embrasser lui-même par la conscience : or c’est là la nature propre de l’intelligence. Penser, c’est encore se tourner vers le Bien, parce que l’aspiration au Bien engendre la pensée. À ces divers titres la pensée ne saurait convenir au Bien. Il n’a pas besoin d’agir parce qu’il est l’Acte suprême. L’Intelligence, au contraire, doit penser afin de posséder la plénitude de l’Être, puisque la pensée est inséparable de l’existence.


LIVRE SEPTIÈME.
Y A-T-IL DES IDÉES DES INDIVIDUS ?

(I) Pour expliquer l’existence des différences essentielles qui constituent l’individualité de chaque être animé, il faut admettre que chaque âme individuelle est éternelle. Autant il y a d’individus dans le monde sensible, autant il doit y avoir de raisons séminales dans l’Âme universelle et d’idées dans l’Intelligence divine. Il ne s’ensuit pas d’ailleurs que le nombre des raisons séminales et des idées soit infini : car elles sont par leur nature disposées pour faire renaître les mêmes choses quand une nouvelle période recommence.