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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/395

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SIXIÈME ENNÉADE.

prêtent l’oreille l’entendent et la reçoivent chacun de son côté ; l’ouïe passe dans chacun d’eux à l’état d’acte et perçoit ce qui agit sur elle[1]. Nous sommes ainsi devenus deux hommes à la fois [l’homme intelligible et l’homme sensible qui s’est ajouté à lui] ; nous ne sommes plus l’un des deux seulement, comme auparavant, ou plutôt, nous sommes quelquefois encore l’un des deux seulement, l’homme qui s’est ajouté au premier ; c’est ce qui a lieu toutes les fois que le premier homme sommeille en nous et n’est pas présent en un certain sens [parce qu’alors nous ne réfléchissons pas aux conceptions de l’intelligence[2]].

XV. Mais comment s’est approché de l’Âme universelle le corps qui s’est approché d’elle ? — Comme ce corps avait une aptitude à participer à l’Âme, il a reçu ce à quoi il était apte ; or il était disposé pour recevoir une âme particulière ; voilà pourquoi il n’a pas reçu l’Âme universelle. Quoique celle-ci soit présente tout entière à ce corps, elle ne lui devient pas propre tout entière ; c’est ainsi que les plantes et les animaux autres que l’homme n’ont également de l’Âme universelle que ce qu’ils sont capables de recevoir d’elle[3]. De même, lorsqu’une voix se fait entendre,

  1. La voix contient deux éléments, le son et le sens, qui sont unis entre eux comme les deux hommes. Cette comparaison a déjà été employée ci-dessus § 12, et est expliquée ci-après, § 15.
  2. Voy. Enn. I, liv. I, § 11 ; t. I, p. 47. On trouve la même pensée dans les lignes suivantes de S. Augustin : « Sicut de natura humanæ mentis diximus, quia et si tota contempletur veritatem, imago Dei est ; et quum ex ea distribuitur aliquidet quadam intentione derivaturad actionem rerum temporalium, nihilominus ex qua parte conspectam consulit veritatem, imago Dei est ; ex qua vero intenditur in agenda inferiora, non est imago Dei. » (De Trinitate, XII, chap. 7.)
  3. Ce principe, que chaque être reçoit de Dieu selon son aptitude à participer à ses dons, et l’exemple du son, se retrouvent dans S. Augustin qui les développe de la manière suivante : « Neque enim ad habitandum [Deus] dividit se per hominum corda seu corpora, aliam sui partem huic tribuens, illi aliam, sicut lux ista per aditus