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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/406

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LIVRE CINQUIÈME.

lui et qu’elles s’approchent de lui dans la mesure où elles en sont capables[1].

Ainsi, il faut ou rejeter les propositions que nous avons énoncées, les principes que nous avons établis, et nier l’existence des intelligibles, ou, si l’on ne peut se refuser à l’admettre, reconnaître la vérité que nous avons posée dès notre début : L’être un en nombre et identique est indivisible et existe tout entier à la fois. Il n’est loin d’aucune des autres choses, et cependant [pour être près d’elles] il n’a pas besoin de se répandre, de laisser écouler certaines portions de son essence[2] ; il reste tout entier en lui-même, et quoiqu’il produise quelque chose d’inférieur, il ne s’abandonne pas pour cela lui-même et ne s’étend pas çà et là dans les autres choses ; sinon, il serait d’un côté, tandis que les choses qu’il produit seraient d’un autre, et se trouvant ainsi séparé d’elles il occuperait un lieu[3]. Quant à celles-ci, chacune d’elles est tout ou partie : si elle est partie, elle ne conservera pas la nature du tout, comme nous l’avons déjà dit ; si elle est tout, nous la partagerons en autant de parties que ce en quoi elle subsiste, ou bien nous accorderons que l’être identique peut être partout à la fois tout entier.

Voilà une démonstration qui est tirée de la chose même, qui n’a rien d’étranger à l’essence que nous examinons, qui n’emprunte rien à une autre nature.

IV. Contemplez donc ce Dieu qui n’est pas présent ici,

  1. « Fatendum est ubique esse Deum per divinitatis præsentiam, sed non ubique per inhabitationis gratiam. » (S. Augustin, Lettre lxxxvii.)
  2. Voy. le fragment de Numénius traduit dans notre tome I, p. cii-ciii.
  3. « Le monde même tout entier n’est pas une demeure digne de Dieu. Dieu est son lieu à lui-même, il est plein de lui-même et il se suffit à lui-même : car il remplit et contient les autres choses qui sont indigentes, solitaires et vides ; mais il n’est contenu lui-même par aucun lieu, parce qu’il est un, qu’il est l’Être universel tout entier. » (Philon, Allégories de la Loi, I.)