Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
350
SIXIÈME ENNÉADE.

l’Être universel sans changer de place[1], en demeurant là même où est édifié l’Être universel.

VIII. Je crois que quiconque considérera la participation de la matière aux idées (ἡ τῆς ὕλης τῶν εἰδῶν μετάληψις (hê tês hulês tôn eidôn metalepsis)) ajoutera plus volontiers foi à ce que nous disons ici, ne le déclarera plus impossible et n’élèvera plus aucun doute à ce sujet. Il me semble en effet nécessaire d’admettre qu’il n’y a pas d’un côté les idées séparées de la matière, de l’autre la matière placée loin d’elles, puis une irradiation (ἔλλαμψις (ellampsis)) descendant d’en haut sur la matière. Une pareille conception n’aurait point de sens[2]. Que signifieraient, en effet, cette séparation des idées et cet éloignement de la matière ? Ne serait-il pas alors fort difficile d’expliquer et de comprendre ce qu’on appelle la participation aux idées ? On ne peut en faire saisir le sens que par des exemples. Sans doute, quand nous parlons d’irradiation, nous ne voulons pas désigner par là un fait semblable à l’irradiation d’un objet visible. Mais, comme les formes matérielles sont des images et qu’elles ont les idées pour archétypes, nous disons qu’elles sont illuminées par les idées afin de faire comprendre que ce qui est illuminé est séparé de ce qui illumine. Pour nous exprimer maintenant plus exactement, il nous reste à établir que l’idée n’est pas séparée localement de la matière et ne se reflète pas en elle comme un objet dans l’eau ; au contraire, la matière entoure l’idée de tous côtés, la touche en quelque sorte sans la toucher, puis reçoit d’elle dans tout son ensemble ce qu’elle est capable de recevoir par son voisinage, sans qu’il y ait nul intermédiaire,

  1. Il y a dans le texte εἰς ἅπαν τὸ πᾶν ἤξει προελθῶν οὐδαμου (eis apan to pan êxei proelthôn). Steinhart fait remarquer à ce sujet la propriété de l’expression employée par Plotin : « In hac oppositione πάς (pas) totum ut partibus compositum, ἅπας (hapas) ut una notione comprehensum indicat, quod est omnino horum vocabulorum discrimen. » (Meletemata plotiniana, p. 46, note.)
  2. Pour plus de développement, Voy. Enn. III, liv. VI, § 7-19 ; t. II, p. 142-170.